Sa percée était attendue mais pas son raz de marée. Hamas a fait une razzia et il va gouverner en solo en remportant la majorité des 132 sièges du Parlement. Ecrasé, le Fatah, l'emblématique parti de Yasser Arafat, a choisi de s'installer dans l'opposition… Tandis que la déferlante verte déguste sa victoire à Gaza et en Cisjordanie, les chefs du Hamas cachent mal leurs préoccupations devant la perspective de gouverner. Ils n'arrêtent pas d'offrir le partage du pouvoir au Fatah dont le chef, l'ex-Premier ministre Qoreï, a tiré la révérence en rejetant toute idée de cohabitation avec l'islamisme après avoir présenté sa démission au président Mahmoud Abbas, jeudi, juste après la proclamation des résultats du scrutin. Hamas table sur la jeune garde du Fatah dont le chef de file, Marwan Barghouti, avait appelé, la veille des élections, à un gouvernement d'union nationale. Mais, avec la descente aux enfers de son parti, c'est presque improbable. Le Fatah, tous ses jeunes cadres en sont convaincus, devra faire une cure dans l'opposition pour remonter dans l'estime des Palestiniens. La victoire du Hamas est, en grande partie, la conséquence de la déliquescence du Fatah qui, après dix années de pouvoir, a laissé un goût amer à la population palestinienne. Fondé il y a plus de quarante ans par le défunt leader historique des Palestiniens, Yasser Arafat, en tant que force dominante de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), le Fatah devait subir le coup de boutoir des Israéliens, qui ne lui ont jamais accordé le statut d'interlocuteur et qui l'ont toujours mené au cul de sac. Mais il n'y a pas que cela : le parti historique devait finir par susciter en son sein des dissensions entre ses caciques et la jeune garde. Sans compter les jeux de pays arabes pour qui la question palestinienne n'aura été, tout compte fait, qu'un fond de commerce. Le Fatah a ainsi été sanctionné pour sa mauvaise gestion durant la décennie écoulée et pour l'absence de solution avec Israël, dont l'occupation et les agressions perdurent. Le Hamas, qui participait aux élections législatives, après avoir brillamment passé le test des municipales l'an dernier, a été capable de présenter “un front uni et imposé une discipline rigoureuse à ses candidats du début de la campagne jusqu'au scrutin”, admet-on chez le Fatah qui n'a toujours pas réglé la question de sa direction. Depuis la mort en novembre 2004 de Arafat, aucun dirigeant réel du parti Fatah n'a émergé. Le chef du mouvement est officiellement Farouk Kaddoumi, un radical qui vit toujours en exil à Tunis, alors que Mahmoud Abbas préside les réunions du Comité central du Fatah en Palestine. La victoire spectaculaire du Hamas bouleverse la donne dans la région. Israël, dont les services n'avaient pas pronostiqué ce résultat, se retrouve face à un interlocuteur aussi intransigeant que lui et qui, contrairement au Fatah, prône la poursuite de la résistance. Les faucons israéliens se frottent les mains se réservant, d'ores et déjà, des droits de poursuite. Dans le pire des cas, Israël devra se contenter de terminer son fameux mur de séparation et de vivre dos à dos avec son voisin. Pour les partisans de la paix, la situation est, certes, plus compliquée mais pas catastrophique. À leurs yeux, Hamas fera son apprentissage dans l'exercice du pouvoir. Les pays occidentaux ont, eux, réservé un accueil frais à la victoire du Hamas, estimant que tout dialogue avec le mouvement islamiste était conditionné par son rejet de la violence. Le président américain, tout en indiquant avoir pris acte de la décision du peuple palestinien, a déclaré qu'il refuserait de discuter avec le Hamas tant qu'il ne renonçait pas à la destruction d'Israël. La France, par la voix de son Premier ministre, a exprimé son inquiétude alors que la Grande-Bretagne a appelé le Hamas à choisir entre le terrorisme et la voie démocratique, qui lui vaudra le soutien de la communauté internationale. La Commission européenne a indiqué, pour sa part, qu'elle coopérera avec le futur gouvernement palestinien quel qu'il soit, du moment qu'il est déterminé à poursuivre ses objectifs de façon pacifique. Pour l'heure, dans les capitales occidentales, c'est l'expectative tant que Hamas n'aura pas précisé ses ambitions. Hamas figure sur la liste des organisations terroristes dressée par les Etats-Unis et l'UE, qui exigent qu'elle renonce à l'utilisation de la violence et qu'elle reconnaisse l'Etat d'Israël. Chez les régimes arabes, c'est également la prudence et l'inquiétude pour leur propre sort en cas d'élections réellement libres. Seules la Jordanie, où plus de la moitié de la population est d'origine palestinienne, et l'Algérie ont réagi officiellement aux résultats des élections palestiniennes. Elles constituent “un pas important franchi par le peuple palestinien” sur la voie du recouvrement de ses droits légitimes, a déclaré le président Bouteflika, tandis que le ministre des Affaires étrangères, Mohamed Bedjaoui, a appelé le monde occidental à “juger sur pièce” le Hamas, invitant le mouvement radical à passer au plus vite à la négociation. Les Frères musulmans, principale force de l'opposition en Egypte, ont, quant à eux, accueilli avec joie la victoire du Hamas, prédisant la même issue pour eux lorsque le cinquième mandat de Moubarak arrivera à son terme. L'Iran s'est aussi félicité de ce qui est advenu en Palestine, escomptant consolider ses relations avec Hamas via le Hezbollah libanais et la Syrie. D. Bouatta