Après le nouveau forfait israélien au Liban, la secrétaire d'Etat américaine a été déclarée persona non-grata au Liban. De fait, la visite est devenue à l'évidence sans objet car, en effet, qu'aurait bien pu dire Mme Rice aux Libanais victimes d'un génocide couvert par son pays, les Etats-Unis, dont elle est la responsable de la diplomatie? De fait, le Premier ministre libanais, Fouad Siniora a pris les devants en indiquant que la venue de Condoleezza Rice à Beyrouth est inopportune. Autant dire que la secrétaire d'Etat américaine est déclarée ‘'persona non-grata'' au Liban. Bouleversé par le massacre de Cana, Fouad Siniora a estimé que des négociations (avec les Américains) «n'étaient plus d'actualité» et a réclamé au nom du Liban «un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel avant toute chose». M.Siniora a déclaré à cet effet, «Il n'y a pas de place pour des discussions en cette triste journée» tout en réclamant «une enquête internationale» La secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice, s'est dite hier «profondément attristée» par la perte de «vies innocentes» quand la décence lui recommandait de garder le silence après le carnage opéré sous ses yeux alors qu'elle se trouvait à Tel-Aviv et venait juste de rencontrer le chef du gouvernement israélien Ehud Olmert. Les regrets de Mme Rice sont d'autant plus malvenus et peu crédibles que ce sont des armes américaines qui ont fauché ces «vies innocentes» -dont une trentaine d'enfants-. Cynisme, naïveté, à moins qu'elle ne prenne le reste du monde pour des demeurés, sans doute tout cela à la fois -surtout que ce sont les armes américaines qui font des carnages parmi la population civile libanaise- la secrétaire d'Etat américaine a déclaré aux journalistes qui l'accompagnaient qu'elle allait «(...) certainement continuer à faire pression pour que le plus grand soin soit pris durant les opérations militaires afin d'éviter des pertes civiles». Mais, à jouer au pyromane comme le fait Washington, les Etats-Unis contribuent, en fait, à fermer toutes les portes vers une issue négociée propre à épargner la vie des innocents dont ni les Etats-Unis ni Israël n'en ont cure. Depuis 20 jours Ceux-ci tombent depuis 20 jours sous les bombardements aériens israéliens -à partir de F15 et de F16 et d'hélicoptères de combat Apache et Cobra de fabrication américaine- ce qui n'empêche pas les Etats-Unis de s'aligner sur Israël qui refuse un cessez-le-feu. Hier, le village de Cana, au Liban-Sud, a été totalement dévasté par les frappes israéliennes qui ont commencé avant l'aube et le pilonnage, par air, mer et terre, a duré deux heures, selon les témoignages, quasiment sous le regard de la chef de la diplomatie américaine. De fait, selon les dires de proches du Premier ministre israélien, rapportés par la radio militaire israélienne, Mme Rice n'a exercé «aucune pression» sur Ehud Olmert pour un cessez-le-feu immédiat et qu'aucun calendrier n'a été mis au point en vue de l'établissement d'un tel cessez-le-feu. D'ailleurs, le Premier ministre israélien qui a rencontré, la veille, la chef de la diplomatie américaine, Condoleezza Rice, avait indiqué, hier devant son cabinet, qu'«Israël n'est pas pressé de parvenir à un cessez-le-feu avant que nous n'arrivions au point où nous pourrons dire que nous avons atteint les principaux objectifs que nous nous sommes fixés». Quels sont ces objectifs, la libération des deux soldats capturés par le Hezbollah? Voilà qui serait déraisonnable, après 20 jours de combat ; «désarmer» le Hezbollah? Il faudra alors pour Israël commettre le plus grand génocide en ce début du XXIe siècle au Liban sans, pour autant, avoir la certitude d'y parvenir. Désarmer le Hezbollah était le même objectif visé en 1996 lorsque eut lieu le premier carnage de Cana causant la mort de plus de 105 Libanais. Israël -soutenue certes par les Etats-Unis- qui a la puissance militaire pour elle, a toujours fait fausse route en croyant que la force puisse résoudre des problèmes politiques et de principe. Aussi, dans cet ordre d'idées consistant à imposer le diktat des plus forts, ni Israël ni les Etats-Unis ne veulent d'une force d'interposition placée sous l'égide des Nations unies, force qui n'accomplirait pas leur mission comme l'entendent Israéliens et Américains. Dès lors, dans l'esprit des dirigeants américains et israéliens une telle force ne peut être que chapeautée par l'Otan -autrement dit placée sous l'autorité directe d'un commandement américain- dont la mission serait alors de contenir, voire de réprimer, la résistance libanaise, certes pas de se mêler des affaires de l'Etat souverain, qu'est Israël. De fait, une telle force dirigée par l'Alliance atlantique ne serait, tout au plus, qu'une force d'appoint à Israël car elle n'aura aucun mandat lui donnant de mettre en cause, éventuellement, l'Etat hébreu. En effet, selon ce qui a pu être dit sur cette force, l'idée de Washington était de créer un contingent multinational autorisé à «faire usage de la force». Tout le monde aura compris que l'usage de la force ne sera, certes, pas dirigé contre l'armée israélienne, ni contre Israël. Donc, le seul devoir de cette «force multinationale» sera de surveiller les pays voisins d'Israël et d'user de la force, le cas échéant, contre toute résistance qui se signale aux frontières d'Israël. C'est l'une des raisons qui font que les discussions sur cette force se sont faites jusqu'ici en petit comité entre Washington et Tel-Aviv, alors que de nombreux pays, comme la France et la Russie, et le premier concerné d'entre eux, le Liban, s'opposent à la conception avec laquelle les Etats-Unis travaillent à la mise en place d'une force qui, loin de contribuer à une paix véritable au Proche-Orient, servira essentiellement à maintenir un statu quo qui bénéficie au seul Etat hébreu. Sécurité d'Israël Mme Rice, qui est venue samedi à Tel-Aviv avec un «paquet» de propositions, était revenue en fait pour coordonner avec les dirigeants israéliens les données sur une force de stabilisation qui serait totalement vouée à assurer la sécurité de l'Etat hébreu, avec la ferme intention de faire accepter ses «offres» au gouvernement libanais, lequel a fait savoir hier par la voix de son Premier ministre, Fouad Siniora, que ces tractations n'étaient plus d'actualité mais exigent un cessez-le-feu immédiat. En réalité, obnubilés par la recomposition du Moyen-Orient, les Etats-Unis qui ont armé Israël à outrance -2, 6 milliards d'aide militaire américaine annuelle à l'Etat hébreu- ont totalement abdiqué toute politique moyen-orientale qui soit indépendante d'Israël, lequel pèse lourdement sur les orientations de Washington. C'est cet alignement de Washington sur Israël qui maintient en suspens un conflit qui perdure depuis 1948. A Cana, comme hier à Sabra et à Chatila, ce sont toujours les armes américaines qui tuent et continuent de tuer les Libanais.