Au onzième jour de l'offensive israélienne contre le Liban, personne n'a encore pas trouvé le temps de dire que trop c'est trop! Il y a comme un hiatus entre la «solidarité» -qu'il faut bien qualifier de mielleuse- que prodiguent les grandes puissances, à leur tête les Etats-Unis et la France, au Premier ministre libanais, Fouad Siniora, et la réalité sur le terrain, qui voit un pays -le Liban- aujourd'hui en danger de mort, quand ces mêmes puissances n'osent toujours pas condamner Israël, principal artisan de la destruction en cours du pays du Cèdre. Depuis le 12 juillet, date de l'opération «Changement de cap» lancée contre le Liban, l'armée israélienne s'est acharnée prioritairement contre les infrastructures administratives, sociales, militaires et techniques du Liban, allant des ponts et routes, des casernes de l'armée libanaise, aux radars -détruits en totalité- et aux moyens de télécommunication libanais qui ont subi d'énormes dégâts, lesquels selon le ministre libanais des Finances, se chiffrent en milliards de dollars. Pourtant, malgré ce tableau effarant de ce qui se passe au Liban -près d'un million de personnes ont fui le sud du Liban où des dizaines de chars et blindés israéliens ont franchi hier la frontière entre les deux pays- le président américain, George W.Bush, continue à faire barrage à un cessez-le-feu, réclamé par des composantes de plus en plus larges de la «communauté internationale» laquelle reste en fait très divisée sur ce qu'il convient de faire avec, néanmoins, une majorité de pays, dont les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l'Allemagne- qui veulent donner le temps à l'armée israélienne de faire le ménage au Liban, même au risque d'une dévastation irréversible d'un pays victime de la politique d'hégémonie américano-israélienne sur le Moyen-Orient. Dans ce soutien unanime des puissants à l'Etat hébreu, seule la France, sans toutefois condamner formellement la riposte «disproportionnée» d'Israël, tente de sauvegarder ce qui peut l'être encore du Liban en appelant à un «cessez-le-feu immédiat», comme l'a déclaré hier le ministre français des Affaires étrangères Philippe Douste-Blazy en visite au Caire. «Il faut constater l'extrême gravité de la situation (...), demander la cessation immédiate des hostilités et trouver toutes les conditions d'un cessez-le-feu», a déclaré M.Douste-Blazy après avoir eu des entretiens avec son homologue égyptien Ahmed Aboul Gheit. «Si on ne fait pas ça, c'est la destruction de l'Etat libanais» a averti le chef de la diplomatie française. Ce qui ne semble pas être de l'avis des Etats-Unis qui veulent donner le temps à Israël, s'opposant à un cessez-le-feu d'une part, en continuant à accuser la Syrie et l'Iran d'être derrière les événements de ces dernières semaines, d'autre part. Ainsi, lors de son allocution radiodiffusée hebdomadaire, prononcée hier, le président américain, George W.Bush, a réitéré ses accusations envers Damas et Téhéran, affirmant: «Depuis de nombreuses années, la Syrie a été un commanditaire de premier plan du Hezbollah et a aidé à approvisionner le Hezbollah en armes fabriquées en Iran» et d'ajouter «le régime iranien a également défié à plusieurs reprises la communauté internationale avec ses ambitions pour des armes nucléaires et son aide à des groupes terroristes». M.Bush estime ainsi que l'Iran et la Syrie «menacent le Moyen-Orient» ne disant mot sur la démesure israélienne au Liban, ni sur une occupation des territoires palestiniens par Israël, qui bloque depuis des décennies une solution équitable du contentieux israélo-arabe. Le chef de l'administration américaine a par ailleurs déclaré que «Mme Rice indiquera clairement que résoudre cette crise exige de faire face au groupe terroriste qui a lancé les attaques et les nations qui le soutiennent», omettant une nouvelle fois de mettre en cause Israël dont l'occupation des territoires palestiniens, libanais et syriens nourrit une résistance qu'il est facile pour Israël et Washington de qualifier ensuite de «terrorisme» faisant l'impasse sur les vraies causes de la détérioration de la situation au Proche-Orient ces dernières années. De fait, cette déclaration du chef de l'Etat de la plus grande puissance mondiale n'est rien d'autre qu'un nouveau feu vert à Israël de poursuivre son entreprise de destruction du Liban. De fait, au moment où M.Bush faisait son allocution, une dizaine de véhicules de transport de troupes blindés israéliens franchissaient hier la frontière libanaise, après la destruction de la barrière de sécurité entre les deux pays. Dès lors, dans la course contre la mort du Liban, le poids du secrétaire général de l'ONU est plutôt léger, ce qui n'a pas empêché Kofi Annan de mettre «en garde» Israël contre une invasion terrestre du Liban, laquelle serait, selon lui, une «escalade dangereuse», M.Annan défendant à nouveau la mise en place d'une force d'interposition internationale. Cela pour constater une nouvelle fois l'incroyable silence des dirigeants arabes dont pas un seul n'a -ne serait-ce que pour sauver les apparences- pris sur lui de dire que trop c'est trop, au moment où Israël s'acharne à détruire le Liban, membre fondateur de la «Ligue» des Etats arabes. Faut-il rappeler ce cri désespéré d'une mère libanaise en 1982 qui répétait stupéfaite: «Où sont donc les (dirigeants) Arabes! Mais où sont-ils les Arabes?» ne cessait-elle de répéter échevelée. En 2006 la situation ne semble pas avoir évolué d'un iota, et les Arabes, quand il faut se battre, n'étaient toujours pas prêts au combat. De fait, l'histoire a de ces répétions qui ne sont pas (toujours) à l'honneur des Arabes.