Le couple israélo-américain alimente, de volonté ou de fait, le jihad lancé par les références doctrinales de l'islam salafite. Le début de la troisième semaine de la guerre contre le Liban lancée par Israël, et soutenue à bras-le-corps par les Etats-Unis, porte déjà les germes d'une grave décomposition de la guerre et qui peut toucher n'importe quel pays ou organisation de la région, pour peu que les conditions lui soient favorables. Car si la guerre, au plan militaire, poursuit une courbe que l'on peut évaluer, les analyses faites et les idéologies qui s'en dégagent deviennent subitement insaisissables. A la fetwa lancée par les ouléma de l'Arabie Saoudite interdisant toute aide et déniant tout jihad à «l'aventure» lancée par le Hezbollah, les Frères musulmans égyptiens répondent par une critique acérée contre ces mêmes ouléma. On sait que l'animosité qu'éprouvent les ouléma sunnites saoudiens envers les chiites était sans bornes, mais personne n'a imaginé ce «lâchage» en pleine guerre, obligeant la confrérie, qui a fait preuve de retenue jusque-là, pour des considérations politiques évidentes, à sortir le «grand jeu» et à déclarer la fetwa saoudienne nulle et sans fondement. Le théologien Youssouf al-Qaradawi est lui aussi sorti de sa réserve avant-hier, pour porter haut et fort les soucis du Hezbollah, exprimant qu'il s'agit bel et bien d'une guerre contre des ennemis de l'islam et que non seulement le jihad est justifié, mais que tous les musulmans doivent apporter aide et assistance, de quelque façon que ce soit, à leurs frères du Hezbollah. Dans un pareil magma politico-religieux, il était évident qu'Al Qaîda fasse son apparition. Dans un message vidéo diffusé jeudi par la chaîne satellitaire arabe Al-Jazeera, Ayman al-Zawahiri, bras droit du chef d'Al-Qaîda Oussama Ben Laden, appelle aussi à une alliance des combattants musulmans sunnites et chiites transcendant leur animosité sectaire et allant de l'Afghanistan aux territoires palestiniens pour libérer «toute la Palestine». «Nous ne pouvons pas regarder ces roquettes pleuvoir sur nos frères à Ghaza et au Liban et rester inactifs et soumis», a averti l'homme au noir turban. Il s'agit de la première réaction d'Al-Qaîda à l'offensive israélienne dans la bande de Ghaza qui a débuté le 25 juin et au Liban le 12 juillet, après la capture de soldats israéliens par des groupes palestiniens et le Hezbollah chiite libanais. «Les roquettes et les missiles déchirant les corps des musulmans à Ghaza et au Liban ne sont pas purement israéliens. Ils viennent et sont financés par tous les pays de l'alliance des croisés», a dit le numéro deux d'Al-Qaîda en référence aux Etats-Unis et à leurs alliés occidentaux. Il lance encore cet avertissement: «Ainsi, quiconque a pris part au crime doit en payer le prix . L'ensemble du monde est un champ ouvert pour nous. Comme ils nous attaquent partout, on les attaquera aussi partout». Celui qui s'est senti le premier visé par cette intervention, le président américain George W.Bush, n'a attendu qu'une heure pour préparer sa riposte. Il a dit ne pas être surpris par les menaces d'attentats contre Israël proférées par Ayman al-Zawahiri, bras droit du chef d'Al-Qaîda Oussama Ben Laden, dans son nouveau message. «Je ne suis pas surpris qu'il éprouve le besoin de prêter sa voix aux activités terroristes», a dit Bush. «Les Etats-Unis d'Amérique s'opposent fermement à M.Zawahiri et aux gens comme lui», a-t-il ajouté. Il reste cependant que ce sont bel et bien les Etats-Unis et leur allié Israël qui donnent à Al Qaîda de quoi s'alimenter et faire marcher au quart de tour sa propagande, en continuant de la sorte à agresser les peuples musulmans de la manière la plus manifeste qui soit. Sans les USA et Israël, l'organisation ne trouverait même pas quoi mettre sous la dent et, son message, qui reste d'une effrayante efficacité, sera nul et sans effet. Pour donner corps à cette religieuse mobilisation, dix mouvements palestiniens basés à Damas, dont le Hamas et le Jihad islamique, ont exprimé mardi leur soutien au Hezbollah en affirmant «placer toutes leurs capacités» à la disposition du mouvement chiite libanais face à Israël. «Les mouvements palestiniens placent toutes leurs capacités à la disposition du Hezbollah qui résiste au Liban. En larguant des roquettes (sur les villes israéliennes), le Hezbollah a créé un équilibre de la terreur qui aura des conséquences politiques, militaires et économiques énormes sur l'entité sioniste», ont indiqué ces organisations dans un communiqué. «L'agression israélienne contre le peuple libanais, soutenue par les Etats-Unis, a mis en échec la politique qui mise sur les solutions politiques», ont ajouté ces mouvements qui réaffirment leur volonté de «poursuivre la lutte jusqu'à la réalisation de tous les droits nationaux palestiniens». Ces prises de position témoignent de fait de la décomposition et de l'expansion inquiétante de la guerre au Liban, au 18e jour de l'agression.