La diplomatie française très remuante tente d'obtenir une trève au Sud-Liban. La France s'est avérée être, encore une fois, un précieux défenseur de la cause libanaise sur la scène diplomatique internationale et une force de proposition qui adopte un «marquage» étroit au déploiement de la stratégie du binôme d'enfer USA-Israël. La France marque sa différence et prend ses distances vis-à-vis de la ligne de conduite choisie par ce couple talonné par l'attitude suiviste de Tony Blair, le Premier ministre britannique. La ministre française de la Défense Michèle Alliot-Marie a indiqué, hier, qu'il faudrait déployer au Liban «une force internationale très puissante», une fois obtenus un «cessez-le-feu immédiat» et un «accord de toutes les parties» sur cette force qui aurait pour mission première la protection du Liban. La France ne met pas de gants quand il s'agit de défendre sa vision des choses même si son attitude écorche au passage l'orgueil yankee : le chef de la diplomatie française, Douste-Blazy n'avait pas hésité à rappeler, avant-hier, l'enlisement américain en Irak, tout en relevant que «ce n'est pas par la force» ou par «la spirale de la violence que l'on peut arriver à quoi que ce soit, nulle part, mais en particulier dans cet endroit du monde, l'exemple irakien l'a montré». Une contradiction à la mesure de l'entêtement des USA à asseoir le projet du Grand Moyen-Orient. La France entend faire un forcing pour imposer, le plus vite possible, un cessez-le-feu et une solution diplomatique à ce conflit «pour protéger notamment les populations civiles qui sont les premières victimes». Un cessez-le-feu auquel les USA ont opposé un veto qui conforte l'agression de l'Etat hébreu contre le Liban. Cette énième tentative de la diplomatie française vient contrecarrer l'intention américaine de confier cette tâche aux forces de l'Otan qui seraient placées sous son commandement militaire. Dans le même sillage, le chef de la diplomatie française en visite, hier, à Beyrouth, où il s'était déjà rendu le 17 juillet dernier avec le Premier ministre Dominique de Villepin, puis le 21 juillet dans le cadre d'une tournée au Proche-Orient, a balisé le terrain pour un rôle éventuel à décerner à l'Iran pour la «stabilisation» de la région qui serait aux yeux de la France «un grand pays important et respecté». Une approche qui bat en brèche la vision américaine qui fait du pays d'Ahmadinejad, un partenaire infréquentable, lui préférant les régimes qui lui ont fait jusque-là allégeance tels que l'Arabie Saoudite, l'Egypte et la Jordanie. La France avait fait, faut-il le rappeler, circuler sans succès, dimanche dernier, au Conseil de sécurité de l'ONU un projet de résolution pour réclamer la cessation immédiate des hostilités. Elle n'en démord pas pour autant. Ce qui équivaut à montrer la volonté de la France de peser de tout son poids dans la recherche d'une solution à la limite de la légalité internationale après avoir marqué sa différence avec Washington. Son partenaire d'hier dans son offensive diplomatique contre Damas soupçonnée en février 2005 d'être derrière l'assassinat de l'ancien Premier ministre libanais, Rafik Hariri, grand ami de la France et de Jacques Chirac. Paris et Washington avaient parrainé et poussé à l'adoption, en septembre 2004 par le Conseil de sécurité, la résolution 1559 qui a permis le retrait des troupes syriennes du Liban et appelé au désarmement et au démantèlement de la milice de Hezbollah aujourd'hui au centre du conflit israélo-libanais. Tout le poids de la diplomatie française est mis dans la balance pour prémunir le Liban d'une solution à l'américaine donnant le beau rôle à Israël. En se donnant le droit de veiller sur les intérêts du Liban dans ce conflit, la France ne fait que défendre l'un des derniers îlots restés sous son influence au Moyen-Orient. Ses liens avec ce pays sont aussi historiques que profonds. Pays francophone par excellence, le Liban entretient des échanges intenses avec la France. L'importante communauté française installée dans le pays du Cèdre, en majorité des binationaux, symbolise ces liens étroits. Les autorités françaises avaient dépêché quatre navires de guerre pour rapatrier leurs ressortissants au lendemain de l'éclatement du conflit. 8500 personnes ont déjà été évacuées vers le territoire français. Acteur arabe central dans l'espace de la francophonie, le Liban n'a jamais caché ses liens étroits avec la France. Son absence au Sommet de la francophonie qui se tient cette semaine en Roumanie a été relevée. Les 350 jeunes francophones de plus de 40 pays, réunis en université d'été à l'occasion de ce sommet ont eu une pensée et exprimé un grand regret pour l'absence des étudiants libanais bloqués à Beyrouth en raison du conflit actuel avec Israël. Ils ont d'ailleurs tenu à témoigner leur solidarité. Enfin, rappelons que le président Jacques Chirac a condamné le bombardement de Cana, soulignant qu'il montrait «plus que jamais la nécessité de parvenir à un cessez-le-feu immédiat». Par ses positions tranchées dans ce conflit, la France se place à un poste avant-gardiste de soutien au Liban et se dresse comme une digue de protection contre le flux de haine destructive dirigée par Israël à l'endroit d'un pays arabe lâché par les siens et trahi par d'autres.