Il aura été un intellectuel très engagé, notamment contre la torture pratiquée par l'armée française durant la guerre de Libération nationale. L'historien français Pierre Vidal-Naquet n‘est plus. Il est décédé dans la nuit de samedi à dimanche dernier à Nice, à l'âge de 76 ans. Il aura été un intellectuel très engagé, notamment contre la torture pratiquée par l'armée française durant la guerre de Libération nationale. Celui qui se proclame «historien-engagé» avait brillé pour son soutien à toutes les causes justes. Pierre Vidal-Naquet est né le 23 juillet 1930 à Paris. A quatorze ans, le 15 mai 1944, alors que la Seconde Guerre mondiale était à son point culminant, il perdit ses parents. Ils sont arrêtés à Marseille en mai 1944, et disparaissent en déportation dans le camp d'extermination nazi d'Auschwitz. Il étudie l'histoire, et devient docteur es-lettres et agrégé d'histoire. Il consacre ses recherches à la Grèce antique, l'histoire juive et l'histoire contemporaine. Il se spécialise dans la Grèce antique, son domaine de prédilection, mais aussi sur des sujets contemporains comme la guerre d'Algérie. Cette sanglante guerre l'a d'ailleurs touché jusqu'au tréfonds de lui-même. Et c'est, en effet, cette cause qu'il soutient corps et âme. Ce choix il l'a en outre exprimé à cor et à cri. L'on retient, dans ce sens, le rôle influent qu'il avait exercé au sein du comité Audin. L'assassinat, sous la torture, de ce brillant mathématicien, dont le soutien apporté au FLN est inestimable, a inspiré Vidal-Naquet dans l'écriture d'un livre, L'affaire Audin, portant sur ce martyr. Plus tard, en 2001, lorsque le général Paul Aussaresses publia ses mémoires intitulés: Services spéciaux Algérie 1955-1957: Mon témoignage sur la torture, Vidal-Naquet fait une apparition médiatique fracassante, en accordant un entretien au journal Le Monde, dans son édition du 2 mai 2001. L'historien porte des rectifications cinglantes à Aussaresses. Ce dernier a, en effet, dans son livre, sali la personnalité de Ali Boumendjel. Celui-ci, pour rappel, ne s'est pas suicidé, mais il a été bel et bien précipité du sixième étage d'un immeuble à El Biar, sur ordre de Paul Aussaresses. «Boumendjel n'était ni un avocat mondain ni un terroriste, rectifie M.Vidal-Naquet. Certes, il s'était rallié au FLN, mais ce n'était pas un tueur, et ce qu'Aussaresses hait en lui, c'est le notable, disposant d'un important carnet d'adresses.» La défense «post-mortem», de Boumendjel n'est en fait qu'une nouvelle preuve de la position inébranlable de Vidal-Naquet quant à son engagement pour la défense de la Révolution algérienne. Ce geste il l'a d'ailleurs fait bien avant lorsqu'il signa le Manifeste des 121, aux côtés de Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Claude Roy, André Breton, Margueritte Duras, Maurice Blanchot... Ce fameux manifeste, publié le 6 septembre 1960 et signé par 121 écrivains, universitaires et artistes était une véritable déclaration sur le «droit à l'insoumission dans la guerre d'Algérie.» Le n°4 de la revue Vérité-Liberté qui a eu l'audace de publier le texte, a été saisi et le gérant inculpé de provocation de militaires à la désobéissance. Cet appel vaudra à certains signataires de sévères sanctions. En voici donc un extrait: «Pour les Algériens, la lutte poursuivie, soit par des moyens militaires, soit par des moyens diplomatiques, ne comporte aucune équivoque. C'est une guerre d'indépendance nationale. Mais, pour les Français, quelle en est la nature? Ce n'est pas une guerre étrangère. Jamais le territoire de la France n'a été menacé. Il y a plus: elle est menée contre des hommes que l'Etat affecte de considérer comme français, mais qui, eux, luttent précisément pour cesser de l'être.» Près d'un demi-siècle plus tard, soit en fin 2005, les positions de Pierre Vidal-Naquet n'ont pas changé d'un iota. L'historien refait le même coup que celui commis en 1960 en signant, avec d'autres historiens de renom, la pétition Liberté pour l'histoire, dans laquelle il est question, entre autres, d'abroger la loi du 23 février faisant l'apologie du colonialisme. Il a également soutenu la lutte de libération du peuple palestinien et son droit à la création d'un Etat indépendant en participant, en juillet 2003, à l'appel Une autre voix juive, qui regroupe des personnalités juives solidaires du peuple palestinien. Peu avant sa mort il a signé une pétition condamnant l'agression israélienne contre le Liban.