Le visage encore marqué par les stigmates du drame que vit encore le Liban, elle vient, à l'instar de nombreuses autres familles rapatriées sur le sol algérien, de trouver refuge dans sa seconde patrie: l'Algérie. Voulant s'exprimer sous couvert de l'anonymat, cette mère de famille est accompagnée de ses deux enfants, une jeune fille et un jeune garçon qui essayent tant bien que mal d'évacuer un traumatisme encore vivace et vécu il n'y a pas longtemps dans le pays du Cèdre plus que jamais traumatisé par de violents évènements, fait de l'ennemi sioniste. Cette famille, nous venons de la rencontrer à Alger où elle est prise en charge par le département de la solidarité nationale, en attendant d'être rejointe par le père qui est encore en exil dans quelque autre pays arabe pour raison professionnelle. Elle fait partie des dizaines d'autres qui ont déjà intégré le sol algérien. Comme nous le rappelle M.Azazem, responsable des Diar Rahma sur les hauteurs d'Alger et qui est, au même titre que son équipe, sur le pied de guerre depuis le déclenchement des attaques israéliennes au Sud Liban. Ce dernier qui enchaîne en effet les missions d'aide humanitaire vers le Liban s'occupe également, ici, de l'accueil des ressortissants algériens fuyant le désastre au Moyen-Orient et qui sont aussitôt hébergés par les leurs une fois leur arrivée sur le territoire national annoncée. Mais, et en attendant l'arrivée du chef de famille, d'origine algérienne, la mère libanaise et ses enfants semblent comme déjà soulagés et bénissent le ciel d'être encore en vie. Ayant vécu l'enfer dans une terre qui est censée les protéger ils ne peuvent s'empêcher, quand nous les approchons, de raconter ces moments atroces subis. Ils parlent dans l'espoir d'évacuer le cauchemar et de mieux supporter un deuil dur à porter, celui d'avoir perdu maison et voisins, celui d'avoir tourné tout un pan de leur vie! Mais, à les entendre, l'espoir du retour est bien là, vivace. C'est que les attaches ancestrales avec la terre natale du Liban ne peuvent être détruites aussi facilement, par l'abjection d'une guerre. La maman, habillée d'une sorte de âabaya noire comme pour mieux exprimer la douleur du moment, évoque le début des hostilités ; elle est relayée dans son récit par sa fille, la quinzaine à peine entamée, et qui cite de son côté les tracts largués des hélicoptères de Tsahal invitant la population à fuir les villes et quartiers. Avant que les assauts meurtriers ne soient finalement donnés. Toutes deux disent qu'au départ elles ne pensaient à aucun moment que l'atrocité allait atteindre le seuil que l'on connaît. La mère, plus âgée et donc ayant vécu bien des épisodes qui avaient auparavant secoué le Liban, affirme que la dernière offensive livrée par Israël est, à n'en pas en douter, des plus violentes, des plus meurtrières dans la région d'où elle est issue. Alors que nous échangeons des propos sur le terrible vécu qui vient d'être le leur, nous remarquons dans la pièce qui les abrite une radio munie d'un lecteur-cassettes. La fille explique que c'est là le seul objet qu'elle a pu emporter, avec elle après avoir échappé miraculeusement aux bombardements. Cette dernière poursuit que la majorité des Libanais, déjà habitués à la guerre, ont ce réflexe de toujours s'équiper d'une radio munie de ses piles afin d'être informés des lieux précis des impacts de projectiles. Tandis que le peu d'effets qui les entoure renseigne éloquemment de l'état de dénuement qui les a vu quitter leurs demeures. La jeune fille qui semble mal s'accommoder de la forte canicule que connaît notre pays n'omet pas de signaler et de témoigner, tout comme sa maman d'ailleurs, que les armes utilisées par l'armée israélienne sont prohibées. «Tous les morts que nous avons vu transporter présentaient des membres aux os broyés» alors que les survivants, selon elles, ne pouvaient «échapper à une sorte d'allergie cutanée provoquée par ces mêmes armes». Ne voulant pas remuer le couteau dans une plaie encore béante, nous préférons prendre congé de ces dames et les laisser se remettre d'un traumatisme bien réel.