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Le scrutin pour la présidentielle ouvert
Nigeria
Publié dans L'Expression le 26 - 02 - 2023

Les Nigérians ont commencé à voter, hier, pour élire le prochain président du pays le plus peuplé d'Afrique, lors d'un scrutin à l'issue incertaine, sur fond de grave crise économique et sécuritaire. À 80 ans, le président Muhammadu Buhari se retire comme le veut la Constitution après deux mandats marqués par une explosion de l'insécurité et de la pauvreté dans ce pays où 60% de la population a moins de 25 ans. Pour la première fois depuis le retour à la démocratie en 1999, le Nigeria pourrait connaître une présidentielle à deux tours, alors que la popularité d'un ex-gouverneur vient bousculer la prédominance des deux principaux partis. Plus de 87 millions d'électeurs sont appelés dans 176 000 bureaux de vote à choisir un président parmi 18 candidats, ainsi que des députés et sénateurs. Les bureaux de vote ont ouvert à 8h30 (7h30 GMT) mais dans de nombreux endroits, comme à Lagos (sud-ouest), Port Harcourt (sud-est) ou Kano (nord), le matériel n'était pas prêt et l'affluence était mitigée en début de matinée, selon certains médias. Le vote est censé prendre fin à 14h30 (13h30 GMT) mais les électeurs dans les files à cette heure limite seront autorisés à déposer leur bulletin dans l'urne.
Ce scrutin est un rendez-vous crucial. Le Nigeria - 216 millions d'habitants - devrait devenir en 2050 le troisième pays le plus peuplé au monde, tandis que l'Afrique de l'Ouest est menacée par un fort recul démocratique et la propagation de violences terroristes. La première économie du continent est devenue une puissance culturelle mondiale, grâce notamment à l'Afrobeats, genre musical qui enflamme la planète avec des stars comme Burna Boy et Wizkid. Mais le futur président héritera surtout d'une myriade de problèmes: des violences criminelles et terroristes dans le nord et le centre, une agitation séparatiste dans le sud-est, une inflation galopante, un appauvrissement généralisé. Pour ne rien arranger, de récentes pénuries d'essence et de billets de banque ont provoqué des émeutes. Tairu Aramide, une cuisinière de 57 ans, attend depuis 7h00 du matin, assise sur un trottoir d'Ikoyi, à Lagos. «Le pays va mal, nous avons besoin de changement, d'écoles pour nos enfants, de lumières dans nos rues et de pouvoir manger à notre faim», dit-elle. À Yaba, un autre quartier de la capitale économique, Suleiman Isa, 29 ans, affirme qu'il ne votera pas. Il a bien une carte électorale, mais originaire de Sokoto dans le nord du pays, il n'a pas pu voyager à cause de la pénurie de liquidités. «C'était important pour moi de voter», se désole-t-il en racontant l'insécurité qui ravage sa région, les kidnappings et les attaques quotidiennes. Parmi les trois favoris, le candidat du parti au pouvoir (APC) Bola Tinubu, 70 ans, est surnommé le «parrain» du fait de son influence politique. Ex-gouverneur de Lagos (1999-2007), ce Yorouba de confession musulmane affirme être le seul à pouvoir redresser le Nigeria. Il a été accusé de corruption et a nié, tout comme Atiku Abubakar, autre candidat, issu du principal parti d'opposition (le PDP, au pouvoir de 1999 à 2015). À 76 ans, cet ancien vice-président (1999-2007) de confession musulmane briguera pour la sixième fois la Présidence. Originaire du nord, il espère y rafler de nombreux votes. Le vote ethnique et religieux est important au Nigeria qui compte plus de 250 groupes ethniques, polarisé entre un nord majoritairement musulman et un sud à dominante chrétienne. Face à ces deux vétérans, un challenger crédible a émergé: l'ex-gouverneur d'Anambra (sud-est) Peter Obi, chrétien de 61 ans, soutenu par le petit Parti travailliste (LP). Il séduit notamment la jeunesse et les électeurs de sa région.
La campagne a été marquée par des attaques visant des candidats locaux, militants, postes de police et bureaux de la commission électorale. «Le risque de violence est une réelle préoccupation», relève Sa'eed Husaini du Centre pour la démocratie et le développement (CDD). L'identification des électeurs par reconnaissance faciale et digitale devrait limiter les fraudes qui ont entaché les scrutins précédents, espère la Commission électorale. Tout comme le transfert électronique des résultats. Mais l'utilisation de nouvelles technologies, inédite à l'échelle nationale, fait aussi craindre des défaillances. La participation, faible lors des scrutins précédents (33% en 2019) est une autre inconnue. Un pic de nouveaux électeurs inscrits (10 millions dont 76% a moins de 34 ans) est en mesure de changer la donne. L'insécurité généralisée «pourrait perturber le vote», s'inquiète aussi le groupe de réflexion International Crisis Group (ICG). Près de 400.000 membres des forces de sécurité ont été déployés. Les résultats devraient être annoncés dans les 14 jours suivant le scrutin.


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