Le président français Emmanuel Macron a affirmé jeudi au Gabon que l'ère de la «Françafrique» était «révolue» et que la France est désormais un «interlocuteur neutre» sur le continent. «Cet âge de la Françafrique est bien révolu et j'ai parfois le sentiment que les mentalités n'évoluent pas au même rythme que nous quand je lis, j'entends, je vois qu'on prête encore à la France des intentions qu'elle n'a pas, quelle n'a plus», a-t-il dit devant la communauté française. Macron participe à un sommet sur la protection des forêts tropicales, au commencement d'une tournée de quatre jours en Afrique centrale. Lors de cette première étape, le président français a voulu illustrer sa nouvelle stratégie africaine. Au moment où la France est de plus en plus contestée dans certains pays africains, il avait prôné lundi «l'humilité» et encouragé un nouveau partenariat «équilibré» et «responsable» avec ce continent, ainsi qu'une réduction de la présence militaire française. Ces dernières années, la France se dit en rupture avec la «Françafrique», ses pratiques opaques et ses réseaux d'influence hérités du colonialisme. Un sommet, coorganisé avec le Gabon et son homologue Ali Bongo Ondimba, baptisé One Forest Summit, consacré à la protection des forêts tropicales, lui a donné l'occasion d'illustrer le nouveau partenariat qu'il a appelé de ses voeux. «Nous allons mettre 100 millions d'euros additionnels à disposition des pays qui souhaitent accélérer leur stratégie de protection des réserves vitales de carbone et de biodiversité», et la France contribuera pour moitié à cet investissement, a-t-il dit. «Plus d'engagement politique des pays et en échange, plus de financement», a résumé Emmanuel Macron. Des échanges dans l'après-midi avec des ONG, des scientifiques, et une dizaine de chefs d'Etat de la sous-région, ont été marqués par le vibrant plaidoyer en faveur du droit des communautés d'Hindou Oumarou Ibrahim, une militante écologiste et géographe tchadienne saluée par une ovation. «On fait beaucoup de sommets, souvent loin des pays les plus concernés où on dit tous qu'on va mettre des milliards d'euros (...) et quand on va dans les pays concernés, on nous demande où sont les millions d'euros qui ne sont toujours pas arrivés», a déclaré Macron. «Il n'y a pas besoin d'engagement de Libreville, il y a besoin d'un plan d'action de Libreville», a-t-il insisté. D'autres chefs d'Etat dont Denis Sassou-Nguesso (Congo-Brazzaville), Faustin Archange Touadéra (Centrafrique), Mahamat Idriss Déby Itno (Tchad) ou encore Teodoro Obiang Nguema Mbasogo (Guinée équatoriale) étaient également présents. La venue de Macron est décriée par une partie de l'opposition et de la société civile gabonaises, qui l'accusent de venir «adouber» Ali Bongo, réélu dans des conditions controversées en 2016 et candidat à sa réélection cette année. «Je ne suis venu investir personne», s'est défendu le chef de l'Etat. Bongo avait succédé à son père, Omar Bongo Ondimba, après la mort de ce pilier de la Françafrique qui avait dirigé le pays pendant 41 ans. C'est le 18e déplacement d'Emmanuel Macron en Afrique depuis 2017. Depuis 2022, l'armée française a été poussée hors du Mali et du Burkina Faso. Mardi, au lendemain du discours de Macron sur l'Afrique, le Burkina a également dénoncé un accord d'assistance militaire signé avec la France en 1961, l'année d'après l'indépendance du pays, auparavant colonie française.