Au fil des jours, les groupes ont commis des erreurs tactiques et stratégiques qui se sont révélées fatales. A un mois de l'expiration du délai fixé par la charte pour la paix et la réconciliation (31 août en est la date butoir), et alors que les repentis se comptent par dizaines à descendre des maquis avec armes et bagages, soucieux qu'ils sont de bénéficier des mesures de grâce contenues induites par la charte et les décrets d'application, certains irréductibles multiplient les actes de violence afin notamment de plonger Alger dans la tourmente. En frappant à Aïn Taya, donc à moins de trente kilomètres de la Grande-Poste, les groupes terroristes veulent signer un retour triomphant en semant la mort et la désolation. Quel exploit ce serait pour eux s'ils arrivaient à plonger Alger dans la fournaise, dans l'oeil du cyclone. D'autant plus qu'en ce début août, faire peur aux estivants, qu'ils soient Algériens ou étrangers, est la meilleure pour eux de revenir sur le devant de la scène. La guerre imposée par les terroristes à tout un pays, armée et citoyens, est une guerre asymétrique, qui n'oppose pas deux armées régulières, mais les éléments des forces de sécurité combinées à des groupes mobiles, qui ne pratiquent pas vraiment une guerre de guérilla, cette dernière, qui a été menée par le FLN contre l'occupant colonial, ayant ses spécificités. Si, en effet, les résistants du FLN menaient un combat noble qui bénéficiait du soutien de toute la population, les groupes armés, au contraire, ont tôt fait de se couper de leur base arrière, en commettant contre leurs propres réseaux de soutien des actes innommables, les soumettant au racket, à la terreur, à l'exploitation la plus cruelle. C'est là certainement que se situe l'échec le plus flagrant des terroristes. N'est-ce pas que leurs sponsors ont fini par se désolidariser d'eux? Partis d'une idéologie intégriste qui voulait imposer une forme de gouvernement moyenâgeux ne correspondant pas du tout aux aspirations du citoyen algérien moderne, quelle que soit sa préférence idéologique, les terroristes ont fini par ne plus avoir d'objectif clair, ne revendiquant presque jamais leurs attentats et leurs génocides, se contenant de tuer, de détruire, de menacer, de racketter les populations, de poser des bombes, de violer des femmes. C'est ce manque de visibilité qui a fini par discréditer les groupes terroristes. Leur combat n'avait aucune sorte de justificatif. La réconciliation nationale était venue justement pour arrêter dette dynamique suicidaire, qui poussait des groupes de jeunes désorientés à s'étourdir dans des actions sanguinaires réprouvées par la morale politique la plus élémentaire, voire par la morale tout court. La réconciliation offre donc au pays la possibilité de mettre une croix sur un épisode douloureux, qu'il vaut mieux oublier au plus vite. Les échéances qui se rapprochent sont donc le mobile trouvé par les terroristes pour essayer de serrer l'étau sur la capitale, car Alger a toujours été la cible des terroristes et le théâtre de leurs opérations les plus meurtrières, voire les plus spectaculaires. C'est qu'en tant que capitale du pays, elle est à la fois la vitrine de ce qui se fait de mieux, et la foire sanguinaire de ce qui se fait de pire. C'est ce deuxième aspect qui intéresse plus particulièrement les groupes terroristes, qui souhaitent réserver à Alger non pas leur baroud d'honneur, mais leurs actions les plus spectaculaires: le coup de massue en quelque sorte..Mais les faits ont démontré l'inanité d'une telle prétention. Une guerre ouverte de plus de dix ans entre les groupes terroristes et le reste de la population, notamment les forces combinées de sécurité, a montré l'inanité d'une telle vision. Si au départ, les terroristes ont pu bénéficier du soutien logistique de la base de l'ex-FIS, on a vu, au fil du temps, se déliter une telle base, non seulement grâce au magnifique travail effectué par les services de sécurité, mais aussi à cause des actes sanguinaires des groupes terroristes, qui se retournent souvent contre leurs propres réseaux de soutien en commettant des assassinats et des actions punitives, parfois de grande ampleur. En d'autres termes, la stratégie de la terre brûlée appliquée par les terroristes a fini par se retourner contre eux, et c'était tout à fait logique. Donc, c'est toute la nation qui, au fur et à mesure, a livré bataille aux groupes armés, dans ce qui ne peut pas être assimilé à une guerre classique. Ce fut ce qu'on peut appeler une guerre asymétrique: l'Etat contre des groupes armés. Au départ, les forces de sécurité n'étaient pas préparées à une telle bataille, contre un ennemi invisible et très mobile sur le plan tactique. Mais les erreurs à la fois tactiques et stratégiques commises par les groupes armés ont fini par les mettre dans l'embarras. Ils se sont eux-mêmes piégés.