Sonatrach constitue un allié stratégique pour les Russes qui font de l'énergie, le gaz en particulier, leur nouveau cheval de bataille. Le Premier ministre italien, Romano Prodi, a exprimé avant-hier sa crainte quant à l'accord signé vendredi dernier à Moscou, entre Sonatrach et le géant russe Gazprom. Il a appelé Bruxelles à intervenir pour empêcher la création d'un cartel qui pourrait menacer la sécurité énergétique de l'Europe. Un porte-parole de la Commission européenne a indiqué, à en croire Le Figaro, que les commissaires se pencheront sur «les implications possibles de cet accord». Gazprom avec 125 milliards de mètres cubes et Sonatrach avec 61 milliards, les deux compagnies couvrent 36% des besoins de l'Union européenne en matière de gaz. Le ministre de l´Energie et des Mines, M.Chakib Khelil, et son homologue russe, M.Viktor Khristenko, en procédant à la ratification de cet accord de partenariat et de coopération dans les domaines de l'exploration et l'exploitation des gisements gaziers et pétroliers, viennent de faire un front commun, face à une Europe intraitable, quand il s'agit de négocier des questions d'une extrême sensibilité, à l'exemple de la sécurité énergétique. Le reste des besoins européens en gaz sont fournis, en majorité, par Statoil (Norvège), Exxon Mobil (USA) et Shell (Pays-Bas), qui fournissent respectivement 120, 60 et 50 milliards de mètres cubes. Ayant été conclu en parallèle d'une association avec l'autre géant russe ( N°8 mondial du pétrole), Lukoil en l'occurrence, cet accord aura plus de poids du moment qu'il prévoit le financement par les trois partenaires des projets d'exploration et de production dans des pays tiers. Sonatrach constitue un allié stratégique pour les Russes qui font de l'énergie, le gaz en particulier, leur nouveau cheval de bataille. Avec ses gazoducs, Medgaz à destination de l'Italie et Galci approvisionnant l'Espagne qui seront opérationnels courant 2009, la compagnie nationale est un partenaire incontournable dans toutes les transactions énergétiques de grande envergure. Une position affermie par des réserves estimées à quelque 4550 milliards de mètres cubes, classant l'Algérie 2e en Afrique, derrière le Nigeria (5000 milliards de mètres cubes). Les craintes des pays européens sont d'autant plus justifiées par le développement progressif de stature de leurs fournisseurs. Ces grandes compagnies ont pris des proportions alarmantes suivant la notion sécuritaire européenne. Lukoil s'est assuré même l'exploitation d'un immense gisement irakien à l'ère de Saddam Hussein et vient d'engager un bras de fer avec Washington pour maintenir son contrôle sur cette manne orientale. Des sources ont indiqué que Vladimir Poutine en personne, est mobilisé pour cette cause stratégique. Avec ses trois cent mille employés, ses énormes gisements et ses 153.000km de tubes, Gazprom est tout simplement une entreprise surdimensionnée. Elle représente la nouvelle arme de Moscou, brandie à chaque fois que les affaires avec les voisins européens butent sur un obstacle. Dans ce contexte, la crise énergétique de l'Ukraine qui a posé la problématique de la sécurité des approvisionnements, en est le plus récent et le plus significatif des exemples traduisant cette réalité. L'autre point qui inquiète les 25, concerne la Charte de l'énergie signée par Moscou, il y a douze ans, mais qui ne sera pas ratifiée, selon les responsables moscovites. La charte, traitant du fameux libre transit du gaz et du pétrole, a constitué l'un des axes principaux des pourparlers au sommet du G8, tenu le mois passé à Saint Petersbourg. Gazprom, qui a commencé à approvisionner les Etats-Unis et ambitionne de fournir la Chine, est au coeur d'une polémique montante entre Moscou et les autres membres du G8, qualifiés de «chats gras» par le locataire du Kremlin. Les Européens observent, avec une grande inquiétude, la montée de ce géant qui fournit à lui seul 26% de leurs besoins en gaz. Cela, ajouté à une volonté explicite d'imposer sa mainmise sur toute la chaîne de l'énergie, de l'extraction à la distribution. Le rapprochement des politiques énergétiques entre l'Algérie et la Russie remonte à l'année 2001, lorsque une commission mixte avait été installée (avril 2001), lors de la visite du président Bouteflika à Moscou. Une démarche qui a été renforcée par la signature du protocole de coopération stratégique par le ministre de l'Energie Chakib Khelil et son homologue russe en 2002, consacrant ainsi, la présence de plus en plus accrue de sociétés pétrolières russes en Algérie. La Russie a été depuis longtemps l'allié traditionnel et central de l'Algérie. Jusqu'à 1990, ce pays était presque l'unique équipementier de l'ANP. La visite effectuée le mois de mars dernier par le président russe Vladimir Poutine à Alger et qui a porté sur la conclusion de plusieurs contrats relatifs à l'achat d'armement et au traitement de la dette extérieure de notre pays, a été par ailleurs l'occasion de ficeler une nouvelle approche pour une nouvelle coopération, basée essentiellement sur l'énergie.