Echaudés par la crise entre la Russie et la Géorgie, les pays européens comptent trouver un partenaire sûr. Alger est devenue, au cours de ces derniers jours, le carrefour d'un ballet diplomatique inhabituel. Pas moins de quatre délégations de haut niveau auront foulé le sol algérien, en l'espace d'une semaine. Nicolas Sarkozy, Romano Prodi, le chef de la diplomatie allemande, et la gouverneure générale du Canada, Michaëlle Jean, cette dernière attendue dimanche prochain à Alger. Qu'est-ce qui aura donc subitement motivé un tel regain d'intérêt de la part des principales capitales européennes et occidentales à l'égard de l'Algérie? En sus, bien entendu, de la nette amélioration de la situation sécuritaire et de l'embellie financière enregistrée au cours des quatre dernières années, une bonne raison pour les milieux d'affaires de s'intéresser à notre pays, la plupart des observateurs affirment que c'est plutôt l'odeur du gaz qui allèche les pays de la rive nord de la Méditerranée. En effet, le facteur proximité, ainsi que les prix compétitifs appliqués par l'Algérie, n'ont pas manqué de faire grincer les dents des grandes puissances gazières à commencer par la Russie. Echaudés par la crise entre la Russie et la Géorgie, les pays européens comptent trouver un partenaire sûr, qui pourrait servir de soupape de sécurité en cas de nouveaux conflits entre Moscou et Tbilissi. Ces visites sont aussi une occasion pour vérifier les bonnes intentions d'Alger d'honorer ses engagements vis-à-vis de ses partenaires. Il convient de rappeler que l'accord conclu entre l'Algérie et la Russie pour la coopération commune dans le domaine du gaz provoque les craintes des pays européens. Ces derniers avaient, en effet, évoqué l'éventualité de voir ces deux pays, qui sont parmi les plus importants approvisionneurs en gaz de l'Europe, avec un taux excédant les 35%, contrôler les prix et les quantités soumises dans le marché. C'est le cas de l'Italie qui a exprimé sa grande inquiétude par rapport à l'accord gazier entre Sonatrach et Gazprom, qui, rappelons-le intervenait au lendemain de la crise gazière entre Moscou et Tbilissi, privant la plupart des pays européens en GPL. Le chef du gouvernement italien, Romano Prodi, a même déclaré qu'il craignait un «cartel algéro-russe» et a demandé une intervention d'urgence de Bruxelles. Ce qui aurait accentué les craintes de Rome, apprend-on de sources au fait du dossier énergétique, c'est le fait que Sonatrach devrait céder à Gazprom une participation dans le gazoduc Galsi en cours de construction entre l'Algérie et l'Italie via la Sardaigne et où l'entreprise algérienne détient 36%. Il est clair, donc, que la visite de Romano Prodi vise, en premier lieu, de dissiper tout malentendu à propos de l'accord passé l'été dernier entre Sonatrach et le géant gazier russe Gazprom. En plus de la signature de quatre accords dans le domaine énergétique, le président du Conseil italien aurait obtenu des garanties de la part de ses interlocuteurs algériens, selon lesquelles l'accord signé avec Gazprom ne va pas à l'encontre des intérêts d'autres pays, et qu'il se limitait à l'aspect purement commercial. Dans un entretien accordé au quotidien arabophone Al Khabar, Romano Prodi, tout en affirmant que la réaction de son pays à l'égard du contrat entre Gazprom et Sonatrach a été amplifiée et exagérée, a estimé que «l'Italie veut un approvisionnement garanti et des prix fermes, avoir une capacité d'anticipation pour ce qui est des imprévus et un marché énergétique équilibré». Rome et Alger veulent aussi accélérer la réalisation du gazoduc sous-marin Galsi entre l'Algérie et la Sardaigne, prévu pour 2009. Une délégation algérienne se rendra à Rome d'ici fin décembre pour discuter des modalités de réalisation de cet ouvrage de 940km avec une capacité de transport de 8 milliards de m3/an. Un secteur auquel l'Italie accorde une importance capitale comme en témoigne le désir de Rome d'accélérer le projet Galsi qui doit relier l'Algérie à l'Italie via la Sardaigne. Au même chapitre, les deux pays ont convenu de la nécessité d'augmenter les capacités du Transmed qui seront portées de 24.5 milliards de m3/an à 31 milliards de m3/an. A noter que la compagnie russe approvisionne l'Europe avec 125 milliards de mètres cubes, au moment où l'apport de l'Algérie est de 61 milliards de m3. L'Algérie est aussi, l'un des principaux fournisseurs de la France, du Portugal et de l'Espagne. D'ailleurs, les approvisionnements à long terme par Sonatrach de Gaz de France en GPL représentent 18% des capacités de la compagnie française, indique-t-on de sources concordantes. Enfin, l'autre visite, et non des moindres à sentir l'odeur du gaz, est celle du chef de la diplomatie allemande, dont la plus grande composante de la délégation qui l'accompagne est constituée d'intervenants dans le secteur de l'énergie. L'axe Alger-Madrid pèsera aussi lourdement dans l'échiquier énergétique. Surtout que lors de sa visite les 30 et 31 octobre derniers en Espagne, le patron de Sonatrach, M.Mohamed Meziane, avait déclaré: «Il y a une volonté des partenaires espagnols de faire aboutir le projet Medgaz dans les délais...». Ce périple a été justement l'occasion de faire le point avec les partenaires espagnols sur le projet de gazoduc transcontinental Medgaz et coordonner les actions entre les différents acteurs pour que ce projet stratégique soit achevé dans les délais fixés, en l'occurrence fin 2008 début 2009.