Moscou veut donner une teneur concrète à l'accord stratégique établi avec Alger en 2001, le premier du genre conclu avec un pays africain. L'énergie, les questions liées aux politiques de défense et la coopération économique figurent en tête des priorités de la Russie, qui attend un peu plus de « pragmatisme » d'Alger. Fin septembre 2006, Sergueï Lavrov, chef de la diplomatie russe, a rencontré son homologue algérien, Mohamed Bedjaoui, à New York, en margé de la 61e session de l'Assemblée générale de l'ONU pour évoquer « la mise en pratique » des décisions prises lors de la visite du président Vladimir Poutine en Algérie. C'est que Moscou souhaite que les choses aillent plus vite sur le terrain. Il est même envisagé de supprimer le visa pour les Algériens, si ce n'est ce curieux refus algérien d'appliquer la réciprocité. La coopération entre les deux pays est, selon le ministre russe du Développement régional, Vladimir Yakovlev, en visite à Alger, en deçà des énormes potentialités dont disposent l'Algérie et la Russie. La Russie a fait de grands pas à l'adresse d'un pays, perçu désormais comme un partenaire stratégique dans la région de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient avec, entre autres, l'effacement de plus de 4,7 milliards de dollars de dette. Le seul pays qui a bénéficié de la même faveur, d'importance égale, est Cuba, pour des raisons historiques. La Russie a contourné ce qui paraissait comme une contrainte et vendu l'équivalent en valeur de 7,5 milliards de dollars d'armement à l'Algérie, le deuxième gros contrat, doté de 3 milliards de dollars, a été conclu avec le Venezuela, pays considéré comme hostile par les Etats-Unis après les critiques du président Hugo Chavez de la politique de George W. Bush. Washington a, pour rappel, pris des sanctions contre deux entreprises russes pour avoir fourni de l'aide matérielle à des firmes iraniennes et vendu de nouvelles versions d'avions de combat SU 24 et Migs 29. Il s'agit de Rosoboroneksport, principale centrale d'exportation d'armes, et de Sukhoï, fabricant d'avions militaires. ARMES ET GAZ Des sanctions maintenues en dépit des efforts de Moscou de faire revenir Washington sur sa décision. Les deux pays ont des points de vue divergents sur les dossiers nucléaires de l'Iran et de la Corée du Nord. Les mesures conservatoires américaines n'ont pas empêché la Russie de passer des marchés de vente d'armes avec l'Inde (premier pays à avoir établi un partenariat stratégique avec Moscou), l'Iran, la Libye, la Chine, la Guinée, la Grèce, le Vietnam, la Corée du Sud et la Finlande. Selon un rapport du Congrès américain, rendu public hier et repris par les agences de presse, la Russie est devenue le premier fournisseur d'armement aux pays en développement, déclassant les Etats-Unis, dont les commandes ont chuté de 15% en 2005. La France est classée à la deuxième position derrière la Russie. La Russie, qui n'a pas le même souci sécuritaire et stratégique des Etats-Unis, paraît décidée à s'investir dans le marché de l'armement et a avantagé, d'une manière ou d'une autre, les anciens alliés de l'ex-Union soviétique. A l'Euronaval de Paris et au salon AirShow China, l'industrie militaire russe présente de nouveaux produits comme des vedettes furtives, des sous-marins de quatrième génération, dont le Amour-950 et des missiles de type Moskit. Sur un autre plan, l'Algérie et la Russie, gros exportateurs gaziers, se concertent, depuis plusieurs mois, et ont signé, en août dernier, deux mémorandums d'entente sur la coopération dans le domaine des hydrocarbures. Mémorandums pris en charge par les sociétés Sonatrach, Gazprom et Loukoïl. Les premiers responsables de Gazprom ont, à deux reprises, visité l'Algérie, ces derniers mois. Cette situation suscite l'inquiétude de l'Union européenne qui craint la naissance « d'un cartel ». Inquiétude née de la crise ukrainienne de l'hiver dernier (coupure du gaz russe). En visite à Alger, début octobre 2006, Pierluigi Bersani, ministre italien du Développement économique, a clairement demandé aux responsables algériens de tenir au courant son pays sur les discussions avec Moscou. La question sera également abordée, courant novembre, lors de la venue en Algérie, de Romano Prodi, Premier ministre. La France et l'Allemagne ont exhorté dernièrement la Russie à ratifier la charte européenne de l'énergie pour « construire un partenariat énergétique stable » et pour « la prévisibilité et la sécurité d'approvisionnement à long terme et l'accès mutuel aux marchés ». Paris et Berlin ont annoncé leur volonté de « développer des partenariats énergétiques forts » avec les pays producteurs d'Asie centrale, du bassin de la Caspienne et d'Afrique du Nord, principalement l'Algérie. Manière de vouloir se placer sur le même terrain que la Russie. La Russie, la Norvège et l'Algérie sont les principaux fournisseurs de l'Europe continentale. Récemment, le président russe, Vladimir Poutine, a, cité par l'agence Novosti, ajouté une couche aux craintes européennes en déclarant : « La Russie ne sera pas le pourvoyeur de matières premières de l'Occident. Notre objectif numéro un est de diversifier l'économie, de la moderniser en faisant appel aux technologies inédites. »