Les ministres arabes partent confiants à Beyrouth, envisagent même la tenue d'un sommet tardif. Le déroulement des opérations sur le terrain a donné du tonus aux diplomates arabes. En brisant l'échine au Tsahal, le Hezbollah a rendu aux Arabes leur honneur alors qu'ils n'étaient pas en mesure de se rencontrer, ne serait-ce que pour évoquer le sujet. On se souvient de la cacophonie qui a marqué le tout début de l'agression israélienne. L'Arabie Saoudite, l'Egypte et la Jordanie avaient condamné le Hezbollah, rappelle-t-on. Ehud Olmert avait utilisé cette prise de position pour justifier l'agression contre le Liban dans un discours prononcé devant la Knesset. Mais cette déclaration -émanant d'une partie ennemie- ne justifie en rien le revirement des Arabes. Ils n'ont changé de fusil d'épaule que lorsque le Hezbollah leur a prouvé que cette armée israélienne n'était pas invincible. La raclée qu'elle a reçue, dimanche dernier, restera à jamais gravée dans les consciences des Israéliens autant que dans celles des Arabes. Certains la qualifieront de «Diên Biên Phu» libanais. La résistance libanaise a fondamentalement changé les donnes du conflit. C'est dans cet état d'esprit donc que les ministres arabes se sont rencontrés hier à Beyrouth. Ils ont osé braver les menaces israéliennes. Le ministre syrien est venu par route pendant que les autres ont atterri à l'aéroport de Beyrouth au moment où l'aviation israélienne poursuivait les bombardements des faubourgs de la capitale libanaise. «Nous sommes pour toute réunion arabe visant à soutenir la résistance libanaise. Les Arabes devraient prendre des mesures concrètes et user de leur influence pour assurer ce soutien et la réunion ministérielle arabe devrait décider de telles mesures afin de les proposer aux chefs d'Etat arabes», a déclaré hier le ministre syrien Walid Mouallem, lors d'une conférence de presse. Pareille déclaration aurait froissé quelques ministres si elle avait été proférée avant cette date. Mais la première visite d'un ministre syrien à Beyrouth, depuis le retrait des troupes syriennes du Liban, est en soi une évolution. Il faut rappeler que Damas avait subi une pression internationale sans précédent, après l'assassinat de Hariri. La Syrie s'est murée dans un silence étouffant depuis le début du conflit. Son retour sur le plan diplomatique est révélateur des évolutions en cours. Le plan franco-américain n'est pas accepté par le gouvernement libanais parce qu'il ne souffle mot sur le retrait des Israéliens des plaines de Chabaa. La Russie le trouve également estropié. Elle lui préfère celui de Siniora que soutiennent les pays arabes dans la majorité écrasante. Ils délèguent leurs ministres après qu'Israël eut accepté le principe d'un cessez-le-feu, au grand dam des USA qui auraient souhaité la continuation de la guerre mais qui ont, hélas, le pouvoir d'imposer leur plan partial et injuste envers le Liban. Les Arabes peuvent riposter par un sommet arabe qu'ils comptent tenir à La Mecque. Or, il se trouve que l'Arabie Saoudite a déjà éloigné l'éventualité d'utiliser l'arme du pétrole qui a eu des incidences radicales à une autre époque. Dès lors, on est en droit de s'interroger: à quoi sert un sommet arabe qui intervient si tardivement et ne se donne pas les moyens, sinon de rétorsion, du moins lui permettant de peser sur les événements où, à tout le moins, équilibrer un tant soit peu les forces par un soutien conséquent au Liban? Le président syrien Bachar al Assad a indiqué, dans un entretien téléphonique avec le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, que «toute décision prise sans consensus libanais compliquerait les choses et aggraverait l'instabilité». Rappelons que les courants représentatifs du gouvernement libanais, y compris du Hezbollah, ont adopté le plan Siniora depuis le début du conflit. La rencontre des ministres arabes est placée sous le signe du «soutien au Liban». Mais on ne sait où commence et où finit l'influence américaine sur leurs décisions. Les Arabes se rencontrent généralement quand les Américains le leur demandent. Ils ont dû avoir le feu vert pour le faire. Quant à prendre des décisions, il faudra attendre d'autres guerres, encore plus victorieuses.