Fouad Siniora a pu toucher la corde sensible des ministres arabes réunis à Beyrouth. Il a répété par trois fois le soutien arabe de son plan de paix avant de poursuivre son discours ; discours historique qui restera gravé dans les annales du monde arabe. Il évoque l'arabité du Liban qui n'est ni un choix ni une malédiction. Sa gorge se resserre. Il lâche une petite larme. Un silence de plomb tombe sur la salle. Les ministres arabes baissent leurs têtes. Certains pleurnichent. Ils sont touchés au plus profond de leur âme, enfin ceux qui en ont une. Il enchaîne son discours et les terrasse. Il les met face à leurs responsabilités auxquelles ils ne peuvent désormais plus se dérober. Le chef du gouvernement libanais a réussi là où tous les discours ont échoué. Il a réussi à ressouder les morceaux de cette entité arabe disparate. Sans faire cas de ses réserves sur certains antécédents peu reluisants, il remercie tout le monde pace qu'il sait que son pays a besoin de l'union sacrée des Arabes dans cette dure épreuve. Les ministres arabes sont ressortis soudés comme un seul homme et ont envoyé leurs émissaires à New York pour dire à la communauté internationale qu'ils sont là et que leur parole compte dans les résolutions à venir. Les ministres des Emirats arabes unis et du Qatar ont aussitôt pris l'avion en compagnie du SG de la Ligue arabe Amr Moussa. Mais avant leur départ, Siniora leur a clairement exprimé son rejet du plan franco-américain. Ils partent renforcés par le soutien unanime des Arabes. L'Organisation de la conférence islamique (OCI) a également annoncés son appui au plan Siniora. Tony Blair a déclaré que le Conseil de sécurité (CS) était disposé à étudier la position arabe. Les émissaires auront, dans tous les cas de figure, la lourde charge de convaincre les cinq membres permanents du CS. Les positions de la Russie et la Chine sont favorables au plan Siniora alors que celles de la France et les USA restent floues. Sur le terrain des opérations la guerre fait rage. Olmert donne le feu vert à son armée pour détruire un maximum d'infrastructures libanaises avant l'annonce du cessez-le-feu. Le Hezbollah continue de lancer ses roquettes sur Haïfa et inflige des pertes considérables à l'armée israélienne au sud Liban. Le gouvernement libanais décide de déployer 150.000 hommes au sud, qui devront se joindre aux 2000 hommes de la Finul déjà en place. Le Hezbollah autant qu'Israël ne s'opposent pas à cette initiative. L'armée régulière semble mieux indiquée pour occuper la zone de sécurité qu'exige l'Etat sioniste. Bush a déclaré lundi que son pays n'enverra pas ses troupes au Liban parce qu'il y a déjà eu un antécédent. Il garde à l'esprit l'attentat à la voiture piégée qui a fait un massacre dans un cantonnement américain basé au Liban dans les années 80. Restent les autres conditions pour la réussite d'un cessez-le-feu durable. Le plan Siniora prévoit la souveraineté libanaise sur ses terres ; chose tout à fait logique, sinon il faudra envisager aussi de déployer les forces de l'Onu en territoire israélien . Israël n'a pas gagné la guerre et ne peut en aucun cas imposer sa volonté sur les négociations en cours. Olmert pourra détruire tout le Liban s'il le veut mais ne changera en rien le cours des choses. Les Arabes ont compris que Tsahal n'était qu'un mythe. Cette armée tant louée sur les plateaux de télévisions occidentales ne tiendra pas devant l'armée syrienne qui est plus motivée et plus aguerrie. Son aventure a été stoppée par le Hezbollah qui est loin d'être une armée régulière. Cela exprime combien l'Occident tient à ces négociations pour sauver la face à une armée en déroute. Les Arabes le savent également. Leurs émissaires ont, en conséquence, la responsabilité historique de faire admettre à l'opinion publique internationale cette nouvelle donne dans les négociations. L'opinion publique arabe est soudée autour de la résistance libanaise qui le lui rend bien. Ce soutien immense l'encourage à gagner en endurance. Car tout se joue dans le temps. La présence du Hezbollah au sud Liban est une question de vie ou de mort pour Israël. Les Arabes l'ont aussi compris ainsi. Il faut donc maintenir la pression, quitte à prolonger la guerre pour un temps indéterminé. Les Arabes ont besoin de guerres pour sortir un peu de leur torpeur, assimilée souvent à de la lâcheté.