Pour la première fois, un ministre israélien évoque l'échange de territoires contre la paix. La guerre qu'Israël a livré au Liban, via le Hezbollah, aura montré, une fois de plus, que l'Etat hébreu ne pourra jamais imposer militairement son projet pour le Proche-Orient et devra, tôt ou tard, reconnaître l'inanité d'un tel entêtement à vouloir imposer la paix «israélienne» à toute une région et à plusieurs peuples arabes. De fait, c'est la première fois depuis 1948 qu'Israël est tenu en échec, non pas par une armée arabe, mais par des miliciens qui se sont montrés plus disciplinés et plus professionnels que les soldats de Tsahal, arrogants et sous-estimant l'adversaire. Ce qu'a fait la milice du Hezbollah peut être réitéré par les armées arabes qui n'étaient d'ailleurs pas loin de la victoire en 1973 quand les armées égyptiennes, au sud et syriennes, au nord marchaient sur Israël. De fait, l'ordre de recul donné à l'armée égyptienne, alors qu'elle tenait le terrain, n'a jamais été élucidé jusqu'à ce jour. Anouar Al Sadate a emporté avec lui le secret d'un ordre qui a surpris observateurs et experts militaires. Il y eut ensuite, en 1979, les négociations de Camp David par lesquelles le Caire normalisa ses relations avec l'Etat hébreu en récupérant la péninsule du Sinaï. Trente-trois ans après la guerre de Ramadhan 1973, la guerre du Liban semble avoir donné à réfléchir à certains dirigeants israéliens, car Israël doit bien, un jour ou l'autre, se rendre compte que la force est, et restera, improductive dans un dossier à connotation coloniale, que l'Etat hébreu doit un jour où l'autre prendre à son compte le principe de l'échange de territoires contre la paix. Or, un premier pas a été franchi, hier, dans ce sens, par le ministre israélien de la Sécurité intérieure Avi Dichter, qui s'est déclaré pour un retrait du plateau syrien du Golan en échange de la paix avec la Syrie. Une position qui tranche avec la crispation que montrent un Olmert et son vice-Premier ministre Shimon Peres, ce dernier considéré comme l'un des pères du processus de paix entre Israël et les Palestiniens qui a abouti à la signature des accords d'Oslo en 1993. Avi Dichter a ainsi déclaré qu'«Israël peut se retirer du plateau du Golan en échange d'une paix véritable avec la Syrie» à la Radio militaire israélienne, et de poursuivre: «Toute initiative politique est préférable à une initiative militaire que ce soit avec la Syrie et le Liban». «Nous avons payé des prix territoriaux semblables dans les accords de paix avec l'Egypte» de 1979 a rappelé M.Dichter, à propos du retrait total israélien de la péninsule du Sinaï occupée en juin 1967 et évacuée en 1982. Un peu de bon sens chez un Israélien quand tout au long de ces années, le gouvernement israélien a tenté de résoudre l'équation proche-orientale par la seule force. Le lamentable échec tant contre les résistances palestinienne et libanaise -qui ne disposent pas de moyens qui sont ceux de l'armée israélienne- doit inciter les dirigeants israéliens à plus de pondération et à songer à négocier avec leurs vrais adversaires qui sont les responsables et dirigeants des territoires occupés par leur armée. En 2002, les Arabes, après un accord conclu au sommet de Beyrouth ont fait exactement la même offre à Israël, rejetée froidement par le Premier ministre de l'époque, Ariel Sharon, offre qui consiste dans l'échange de territoires -occupés par Israël- contre la paix. Une paix qui pouvait être garantie par la communauté internationale et les Nations unies. Le fait qu'Avi Dichter, ministre israélien de la Sécurité intérieure reprend dans son propos les mêmes termes que ceux employés par le Sommet arabe, «échange de territoires contre la paix» redonne au plan arabe toute son actualité. De fait, il y a eu six guerres entre Israël et les Arabes depuis 1948 suivies par des trêves plus ou moins longues qui n'ont jamais réglé le problème en ne faisant que le différer. D'autre part, alors que depuis la création d'Israël tous ses chefs ont été des militaires ou d'anciens militaires, l'avènement d'un premier civil, Ehud Olmert, à la tête du gouvernement israélien, a été connoté comme un signe d'espoir dans la mesure où la primauté des civils pouvait changer la donne politique en Israël. Or, Ehud Olmert contesté notamment par les militaires -qui doutaient de ses capacités à diriger l'Etat- a voulu jouer au chef de guerre au Liban, avec le résultat que l'ont connaît. Aussi, la raison aujourd'hui, commande à Israël d'avoir une autre politique que celle de la force qui, outre d'avoir montré ses limites, a échoué depuis soixante ans à faire plier son environnement arabe à son diktat. La solution reste, en fait, celle qu'a préconisée le Sommet arabe en 2002, et évoquée hier par le ministre israélien de la sécurité intérieure laquelle, incontournable, demeure l'échange de territoires contre la paix. L'occupation du Golan, d'une part, empêche toute normalisation avec la Syrie, l'occupation de la bande de Ghaza, de la Cisjordanie et de Jérusalem, constitue, d'autre part, un obstacle infranchissable à l'avènement d'un Etat palestinien indépendant. Aussi, Israël doit choisir: ou faire la paix avec les Arabes en se retirant de tous les territoires arabes qu'il occupe depuis 1967, ou continuer indéfiniment une guerre que rien ne dit qu'elle ne sera pas, à terme, dommageable pour l'existence même de l'Etat hébreu. Aussi, la paix passe-t-elle nécessairement par des négociations avec les premiers concernés, les Syriens et les Palestiniens. Aussi, la résolution 1701 du Conseil de sécurité -qui n'aborde pas le fond du problème -l'occupation de territoires arabes par Israël- ne pose pas de jalons pour la paix, mais aura surtout contribué à obtenir un sursis très fragile qui peut être remis en cause à tout moment. Dès lors, la seule paix au Proche-Orient reste le retrait d'Israël des territoires arabes occupés. Tout autre solution sera bancale et n'apportera pas la paix recherchée.