Les vendeurs à la sauvette sont traqués, au moment où les barons imposent leur loi sur le marché. Tout en étant l'un des principaux secteurs générateurs de postes d'emploi, le commerce informel constitue l'un des plus importants problèmes qui entravent les investissements et les efforts de la réorganisation de l'activité commerciale. Les chiffres avancés par le ministre du Commerce faisaient état, l'année écoulée, de l'existence de 100.000 intervenants dans 732 marchés informels, occupant une superficie de 2,7 millions de m2. L'Ugcaa (Union générale de commerçants et des artisans algériens), estime, quant à elle, le nombre de commerçants qui ne sont pas inscrits au centre national du registre du commerce à plus de 500.000. Un chiffre, faut-il le signaler, qui n'a pas inclus les vendeurs à la sauvette occupant les trottoirs, les stations de transport et les places publiques. Arguant du fait que le commerce parallèle cause de grosses pertes à l'économie nationale, l'Ugcaa, en sa qualité de syndicat des commerçants «légaux», n'a pas cessé d'interpeller les autorités concernées à agir en faveur de l'éradication de ce phénomène. Le même organisme n' a pas manqué de dénoncer la concurrence déloyale de ces commerçants qui ont accaparé une partie très importante du marché, en affichant des prix sensiblement bas, comparativement à ceux appliqués par des commerçants exerçant selon les règles en vigueur. Le fait de ne pas payer les impôts donne un avantage capital aux intervenants dans le marché parallèle. Outre l'obstruction des investissements, la propagation des activités informelles est contraire aux recommandations de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Ce qui nuit énormément à l'image de marque de l'économie algérienne qui postule à devenir membre de cette organisation. Les responsables du secteur se trouvent actuellement dans une passe très délicate face à ce fléau sur lequel l'OMC est intransigeante. Cependant, à voir le grand nombre de jeunes ayant pu trouver un poste d'emploi dans le secteur informel, il est légitime de s'interroger sur la capacité des politiques de lutte contre cette activité, en mesure de donner une alternative qui pourra intégrer ces centaines de milliers de commerçants et leurs employés, dans le circuit légal de l'activité commerciale. Le spectre du chômage, qui guette cette frange de la société, a fait que des émeutes éclatent à chaque fois que les autorités concernées procèdent à la fermeture des marchés anarchiques. Les exemples ne manquent pas, à titre indicatif: de violentes escarmouches ont eu lieu à Kouba, le mois de mai dernier, quand les services de sécurité ont essayé de mettre fin à l'activité des vendeurs opérant au niveau de la station de bus de Ben Omar. Il est vrai que l'intervention musclée des forces de l'ordre a eu raison des protestataires, mais pour quelques jours seulement puisqu'ils y sont revenus et continuent, à ce jour, d'exercer leur «gain pain». Cela ne veut pas dire que l'informel est le fait des jeunes chômeurs puisque de grands grossistes et importateurs ont pris racine dans ce secteur qui génère des profits faramineux. Le marché de Dubaï à Sétif et celui d'El Hamiz à Alger, illustrent, de la manière la plus claire, la mainmise imposée sur l'activité commerciale par certains magnats de l'électroménager et autres produits asiatiques. L'évasion fiscale est la clé de réussite de ces nouveaux milliardaires. Il faut dire dans ce contexte qu'il n'est pas évident de voir des policiers traquant des vendeurs à la sauvette, tout en «laissant passer et faire» les grosses têtes du marché parallèle. Dans la mêlée de la guerre déclarée à l'informel, le ministre du Travail, M.Louh, a annoncé un projet de loi qui vise a donner plus d'efficacité à cette démarche. Il s'agit de coordonner les efforts de son département avec ceux du ministère du commerce, les douanes et les services des impôts. De son côté, le ministère du Commerce vient d'adopter une nouvelle méthode d'éradication de ce phénomène qui consiste à construire des marchés couverts au profit des commerçants et des vendeurs oeuvrant dans l'informel. Une centaine de marchés couverts seront construits chaque année sur l'ensemble du territoire national dans le cadre ce projet. En plus de l'intégration des commerçants informels dans le circuit légal de l'activité commerciale, cette opération permettra de créer pas moins de 10.000 postes de travail. Des démarches similaires ont été entreprises au cours des années précédentes, cependant certains des bénéficiaires ont vendu leurs locaux et sont revenus squatter les trottoirs.