Selon des recoupements d'informations, les mendiants d'Oran sont originaires de trois régions de l'Ouest du pays. Traînant généralement une ribambelle d'enfants, de jeunes femmes d'une saleté repoussante, vêtues de guenilles, cheveux ébouriffés et dont l'âge n'excède pas les 25 ans, débarquent tôt le matin des véhicules de transport en commun assurant la liaison entre le centre-ville et sa périphérie. Dès leur descente du bus, elles se regroupent autour d'une femme âgée le temps d'un bref briefing avant de se disperser dans la ville. Chacune d'elles se poste à un point stratégique, un carrefour, à l'entrée d'une artère, ou encore à proximité d'une banque. Elles s'installent à même le sol sur des bouts de cartons entourées de deux ou trois bambins avec souvent un bébé dans les bras pour entamer leur journée. Elles ne quittent leurs lieux de prédilection que lorsque le crépuscule teinte le paysage en ocre. Parfois elles changent d'endroit lorsqu'un «intrus», un autre mendiant, s'installe à proximité. Les lieux en question sont vraisemblablement sélectionnés au préalable dans le but évident d'un bon déploiement à travers le centre-ville. Il s'agit en fait de ces mendiantes venues des contrées enclavées de l'ouest du pays, plus connues à Oran sous les sobriquets «Aâmar ou H'mayane» (traduisez tsiganes ou nomades). Elles envahissent périodiquement à une certaine époque de l'année le centre-ville de la capitale de l'Ouest pour une durée bien déterminée avant de disparaître comme par enchantement. Au fil du temps, les Oranais se sont habitués à leur présence à l'instar d'une multitude d'autres mendiants des deux sexes errant dans les venelles et artères de la cité de Sidi El Houari où ils constituent désormais l'essentiel du décor. Selon des recoupements d'informations, ces familles tziganes sont originaires de trois régions de l'Ouest du pays, en l'occurrence El Bayadh, Saïda et Naâma. Elles parcourent des centaines de kilomètres en car, d'autres font le trajet dans leurs véhicules hippomobiles et se retrouvent dans une petite ville pour une brève escale avant de continuer vers Oran. Lors de ces étapes, elles dressent leurs tentes aux abords de la localité où elles s'installent pour deux ou quatre jours lesquels durant les femmes font la manche pendant que les hommes demeurent sur les lieux du campement pour surveiller leurs troupeaux de chèvres. En arrivant à Oran, le même scénario est répété. Les aâmar installent leur campement à la périphérie. Les femmes convergent vers le centre ville dès le lever du jour où elles passent la journée à mendier. Elles sont facilement identifiables grâce à leur accent et leurs lamentations récitées en cadence qu'elles semblent connaître par coeur. La présence de l'homme semble interdite et il ne s'est jamais manifesté sur les lieux de «travail» des femmes ou dans d'autres endroits, hormis leur campement, lors de leur bref séjour à Oran. Différentes raisons justifient ce mystérieux état de fait. Leurs us et coutumes, entre autres, ne les y autorisent pas selon les informations recueillies auprès des autochtones natifs des contrées dont sont originaires les aâmar. «Vous avez certainement remarqué que ce sont les mêmes jeunes femmes qui reviennent à Oran chaque année à la même période pour faire la manche. Aussi incompréhensible que cela puisse vous paraître, les familles h'mayane concoctent tout un programme pour leur déplacement avec des étapes bien précises dans certaines localités situées à équidistance entre leur région d'origine et celle de leur destination qu'elle soit Oran, Alger, Sidi Bel Abbès ou tout autre métropole. Vous ne pourrez jamais voir les hommes. Ils vous évitent et refusent de converser même si vous vous déplacez à leur campement. Beaucoup de mystère entoure la vie des aâmar», a expliqué notre interlocuteur avant de renchérir: «Ne vous méprenez pas, aussi inconcevable que vous puissiez l'imaginer, ces gens ne sont pas pauvres. A titre d'exemple, je vous raconte une anecdote. Savez-vous pourquoi les campements des nomades ont été à plusieurs reprises la cible d'attaques terroristes lors de la décennie noire? La réponse est facile. La majorité des groupes d'assaillants qui étaient originaires de leur région, savaient pertinemment qu'ils (Ndlr aâmar) sont toujours en possession d'importantes sommes d'argent dont une grande partie provient de la mendicité.» Toujours est-il que la mendicité semble être une «activité» très prisée par les femmes aâmar, et constitue entre autres l'une de leurs principales sources de revenu, à l'instar d'autres individus des deux sexes et de différents âges dont des enfants. Nombreux sont ceux qui ont été victimes d'un fâcheux concours de circonstances et n'ont pas trouvé d'autre choix que de faire la manche pour subvenir à leurs besoins. D'autres, encore, dépendants de l'alcool ou de la drogue, mendient pour satisfaire leur manque. Une multitude de raisons aussi invraisemblables les unes que les autres contribuent à la prolifération du phénomène de la mendicité dans notre pays.