Dans le domaine des finances uniquement 20.000 cadres sont à recycler sur un laps de temps allant de 2006 à 2009. L'Algérie est malade de ses cadres et responsables. C'est ce qu'on retient de la visite effectuée hier par Mourad Medelci, ministre des Finances, à l'Institut supérieur de gestion et de planification (ISGP). Il est question, selon le ministre, d'accompagner inévitablement la métamorphose économique, notamment la modernisation du système budgétaire par une ressource humaine compétente. Chose, qui faut-il le reconnaître, fait défaut et est à l'origine même de la stagnation de tout un système de gestion. «Quant on n'a pas une ressource humaine on ne peut même pas évaluer nos retards», s'est permis de dire Mourad Medelci, estimant dans la foulée que le nombre de cadres à recycler est des plus importants. Dans le domaine des finances uniquement, le ministre a avancé un chiffre de 20.000 cadres à recycler sur un laps de temps allant de 2006 à 2009. Mourad Medelci n'a fait que reprendre une statistique, malheureusement effrayante, qui a été révélée lors d'un récent regroupement à l'école des impôts de Koléa. Cela uniquement pour le secteur des finances. La réalité paraît un peu plus choquante surtout lorsqu'on sait qu'au sein de l'ISGP seulement 400 à 500 cadres supérieurs se font recycler chaque semaine. Plus explicite que jamais, le directeur général de cette même école a laissé entendre que sont institut offre environ 20.000 heures de recyclage et de formation chaque année. Les chiffres parlent d'eux-mêmes et les estimations font état d'une ressource humaine carrément délabrée et une locomotive de gestion et de planification mise à l'arrêt au niveau de toutes les institutions et les administrations de l'Etat. Pis encore pour un système économique qui peine à réussir sa métamorphose escomptée du fait de l'absence, voire même de négligence des compétences existantes. Le ministre a lui-même reconnu cette réalité, même amère, en disant que «la ressource humaine existe mais mal mobilisée». Le marché du travail, mais surtout les secteurs de l'économie, sont ainsi gravement intoxiqués, mais à l'origine existe également un divorce consommé entre l'Université algérienne et le marché de l'emploi. Mais ne faut-il pas parler aussi de la formation dans les facultés, tout en mettant en exergue l'autre problématique appelée «recyclage des cadres supérieurs et hauts fonctionnaires»? C'est une question qui s'impose d'autant plus que la proportion des diplômés universitaires au chômage est des plus élevées. Les chiffres récemment révélés par le Conseil national économique et social viennent à l'appui. Le taux national de chômage pour la tranche d'âge 16-19 ans est de 34,3%. Un chiffre qui, selon le Cnes, est lié directement à la non- efficience du système éducatif et celui de l'enseignement supérieur. Pire aussi, plusieurs diplômés universitaires qu'on a l'habitude de qualifier cadres de demain sont recrutés dans le cadre d'un contrat de préemploi avec un salaire de 6000 DA, mais, licenciés au bout de leurs stages. Selon les chiffres du Cnes, le nombre de ces derniers a été multiplié par trois entre 2000 et 2005 passant de 32.323 diplômés universitaires à 103.617. Le comble, c'est que plus de 7000 autres cadres universitaires ont accepté des emplois d'initiative locale rémunérés à 2500 DA/mois en 2005. c'est ce qui explique d'ailleurs le fameux phénomène de la fuite des cerveaux vers l'étranger. La fuite des compétences constitue aujourd'hui un véritable problème à l'économie nationale, mais un casse-tête marié aussi à une autre réalité amère qui est l'incompétence des cadres. L'Algérie, par la voix du ministre des Finances s'engage davantage dans l'éternel chantier de recyclage, mais les coûts sont également énormes. Le coût moyen pour former un diplômé serait, selon certaines évaluations, d'environ 100.000 dollars. Ce qui représente une perte de plus de 40 milliards de dollars dans le cas de l'Algérie, à en croire les mêmes estimations. Si l'on ajoute à cela la plus-value qu'aurait pu créer chaque individu en termes de progrès, d'intelligence et de richesses, cette estimation s'écarte de la réalité. Ainsi, le phénomène de la fuite des compétences et incompétence de nos cadres est à l'origine de la panne économique et le risque d'une transition au bout de l'échec.