L'application par les Européens de la directive gaz, récemment mise en place, menacerait la sécurité des approvisionnements des marchés européens en gaz, selon Chakib Khelil. Un bras de fer des plus houleux pourrait, vraisemblablement, ombrager les relations algéro-européennes «en cas d'application stricte et rigide des nouvelles règles communautaires régissant les marchés gaziers européens». C'est ce qui ressort de l'allocution d'ouverture du ministre de l'Energie et des Mines, présent, hier, pour l'ouverture des travaux du 3e symposium de l'Association algérienne de l'industrie du gaz. M.Khelil a d'ailleurs saisi cette occasion pour faire part du mécontentement de l'Algérie devant le nouveau processus de libéralisation des marchés qu'entame l'Union européenne et qui nuirait, selon lui, à l'industrie gazière et à l'exportateur de gaz qu'est l'Algérie, d'autant plus que le continent européen absorbe 95% de nos exportations en gaz. Il avait justement critiqué le fait que la Commission européenne n'ait pas jugé utile ni d'associer ni de consulter les pays producteurs dans la mise en place des nouveaux instruments de régulation des marchés gaziers. «L'impérieuse nécessité d'une coopération régionale, que nous souhaitons effective, équilibrée et mutuellement bénéfique, a-t-il précisé, est une exigence incontournable pour assurer un élan qualitatif à un développement régional durable.» Il a également rappelé que le développement qu'a connu l'industrie du gaz et l'avenir prometteur qui s'ouvre au secteur ont été rendus possibles «grâce aux arrangements équitables, précise-t-il, souscrits par toutes les parties intervenant tout au long de la chaîne gazière». Une manière de souligner l'impératif devant lequel se trouve l'Europe de prendre les producteurs pour de véritables acteurs, «incontournables», précise-t-on encore, afin de promouvoir un environnement stable au profit même des vendeurs et des acheteurs. Sur ce point, le ministre s'est montré formel. Selon lui, «la stabilité et la sécurité juridiques des instruments à l'origine de cet essor, risquent désormais d'être remises en cause». En termes plus clairs, ils seraient remis en cause parce que les pays européens ont institué, par la directive gaz, la «démonopolisation du secteur et l'introduction de la concurrence». Cela veut dire que malgré les lourds investissements qu'impose l'industrie gazière, cette dernière sera considérée, schématiquement, comme n'importe quelle autre marchandise. L'objectif étant pour les Européens de rendre le gaz plus disponible et commerciable à moindre coût afin, bien évidemment, que leur économie devienne plus compétitive. Pour y arriver, la Commission européenne a opéré sur la chaîne et a finalement mis les fournisseurs en compétition. Ce qui lui permettrait, explique M.Boussena, ancien ministre de l'Energie, de «supprimer la rente et de ne tolérer que les seuls profits». Cette mise en concurrence aura, précisément, un impact décisif sur les prix qui se poursuivront inéluctablement à la baisse. Pour Chakib Khelil, il ne s'agit pas de réprouver «cette tendance (de libéralisation NDLR) constatée dans tous les secteurs de l'économie mondiale», mais de revenir sur l'impact de la «directive gaz sur l'industrie gazière». Cette dernière place tous les acteurs gaziers, notamment les producteurs et exportateurs de gaz, «devant une situation inédite». Le ministre a finalement mis en garde contre une application unilatérale de cette réglementation qui mènerait, selon lui, «à la rupture de l'équilibre économique des transactions en cours au détriment des producteurs/vendeurs de gaz, fragilisant, a-t-il conclu, non seulement les contrats gaziers, mais également la sécurité des approvisionnements des marchés européens en gaz».