Les pays d'Europe cherchent à s'assurer de la continuité et de la fiabilité de leurs approvisionnements gaziers en ambitionnant de sceller un accord énergétique stratégique avec l'Algérie. Une telle démarche à toutes les chances d'aboutir d'autant que l'Algérie s'impose comme le partenaire incontournable. Mais, pour ce faire, il revient à l'Europe de reconsidérer son approche dans ses rapport avec l'Algérie. L'exemple espagnol est révélateur de cette approche ambiguë qui risque de compliquer les rapports entre les deux partenaires. Il est donc important, pour avancer, que l'Espagne, au même titre que les autres pays d'Europe, admettent que la véritable sécurité énergétique de l'Europe réside en premier lieu dans l'abandon de la tendance protectionniste dans le domaine énergétique qui fait des sociétés nationales des pays membres de l'UE l'axe central de toute activité de commercialisation de l'énergie. Ce protectionnisme, improductif, s'illustre dans le cas de l'Espagne par les décisions de la commission espagnole de l'énergie concernant les conditions relatives au gazoduc reliant l'Algérie à l'Espagne Medgaz. Ces décisions prises unilatéralement constituent, selon les spécialistes, une menace pour la concrétisation de ce projet, que l'Algérie et l'Espagne avaient convenu de réaliser conformément à un accord signé le 21 décembre 2006 par les deux pays. En effet, la commission avait pris une série de décisions relatives aux conditions d'exploitation du gazoduc, notamment l'obligation faite pour la partie algérienne de garantir une capacité supplémentaire au gazoduc. Qualifiée d'injuste par la partie algérienne, cette condition pourrait influer sur l'opportunité de la réalisation du gazoduc Medgaz. Un des aspects de ce protectionnisme réside également dans le refus du gouvernement espagnol de permettre à Sonatrach de distribuer 3 milliards de m3 de gaz dans le marché espagnol et de limiter la quantité mise sur le marché à 01 milliard de m3, une quantité que M. Khelil avait qualifiée de "goutte dans l'océan" au regard du taux dérisoire qu'elle représente en comparaison avec les besoins énormes de l'Espagne en gaz. Face à cette situation, l'Algérie reproche, légitimement, à la commission espagnole de l'énergie d'avoir pris ces mesures restrictives pour les activités de Sonatrach, les qualifiant de "discriminatoires" à l'égard de la compagnie algérienne, par rapport aux facilités accordées à une quarantaine de compagnies étrangères activant dans le domaine gazier en Espagne. Par ailleurs, le mutisme de la Commission européenne face à cette tendance protectionniste flagrante, cadre mal avec son ambition de signer un accord stratégique en matière énergétique avec l'Algérie. "C'est la libération du marché énergétique dans les pays de l'UE qui garantira la sécurité énergétique", a affirmé mercredi de Londres M. Chakib Khelil qui participait à une conférence de deux jours sur l'énergie. Lors de son intervention à cette rencontre, le ministre a indiqué qu'"en dépit des progrès réalisés dans l'utilisation des énergies renouvelables, les besoins en énergies fossiles et notamment en gaz naturel, sont appelés à continuer leur croissance soutenue au cours des prochaines années, induisant la nécessité d'investissements importants". Il a ajouté que "cette problématique se pose pour l'Europe avec d'autant plus de force qu'elle importe déjà plus de 60% de ses besoins en gaz naturel et devrait avoir de plus en plus recours aux sources externes, compte tenu du déclin de sa production interne". Il a par ailleurs précisé que la stratégie de commercialisation du gaz ne repose pas uniquement sur la réalisation de nouvelles routes d'exportations mais aussi sur le renforcement des capacités de production de GNL pour pouvoir accéder à des marchés inaccessibles par gazoduc. En d'autres termes, l'Algérie a les moyens de diversifier ses clients. A ce titre, M. Khelil a réaffirmé que l'Algérie place le marché américain parmi ses principaux objectifs en matière de commercialisation de GNL. Le ministre a précisé que l'expérience algérienne en matière de liquéfaction du gaz (GNL) "place l'Algérie dans une position lui permettant de renforcer sa présence outre atlantique et de sécuriser l'accès aux marchés US à travers, notamment, la réservation de capacités sur des terminaux de regazéification". Le message est on ne peut plus clair. La garantie de la stabilité de l'approvisionnement en gaz des marchés européens gagnera à voir l'accès de Sonatrach à ces marchés.