Les combats entre militaires et paramilitaires qui se disputent le pouvoir au Soudan faisaient rage hier au Darfour, au quatrième jour d'un cessez-le-feu désormais «mieux respecté», selon les médiateurs américain et saoudien. Dès les premières minutes de cette trêve, après plus de cinq semaines de guerre, plus de 1.800 morts et plus d'un million de déplacés et réfugiés, des habitants ont rapporté des combats, des raids aériens et des tirs d'artillerie. La journée la plus violente a probablement été mercredi, lorsque les paramilitaires ont rapporté avoir abattu un avion de l'armée qui, en réponse, disait avoir frappé des blindés. Ce jour-là, il y a eu «des violations graves de l'accord» entre l'armée dirigée par le général Abdel Fattah al-Burhane et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo, notaient hier les médiateurs saoudien et américain. L'accord de cessez-le-feu prévoit un «mécanisme de surveillance» et Washington a promis «des sanctions», mais jusqu'ici aucune annonce n'a été faite à l'encontre d'un camp ou de l'autre. Les médiateurs disent avoir «mis en garde les parties contre de nouvelles violations» et les avoir «exhortées à mieux respecter la trêve (jeudi), ce qu'elles ont fait». Mais ils ont malgré tout constaté «des tirs isolés à Khartoum et des survols d'avions de combat». Dans ce contexte, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a annoncé avoir pu entamer une «distribution d'anesthésiants, d'antibiotiques, de médicaments, de pansements et de perfusions pour traiter des centaines de blessés par arme» dans «sept hôpitaux de Khartoum». «Des équipes de maintenance ont aussi pu entamer des travaux pour rétablir les télécommunications à Khartoum et ailleurs», assurent les médiateurs. Mais ces avancées sont minimes compte tenu des pénuries: depuis plus de 40 jours, des quartiers entiers de Khartoum, capitale de plus de cinq millions d'habitants, sont privés d'eau, d'électricité et de réseaux de communication. Quant aux hôpitaux de Khartoum et du Darfour (ouest), les deux zones les plus touchées par la guerre, ils sont quasiment tous hors d'usage. Ceux qui n'ont pas été bombardés n'ont plus de stocks ou sont occupés par des belligérants. Hier, à al-Facher, chef-lieu du Darfour-Nord, il y a «des combats avec tous types d'armes», selon des témoignages d'habitants. Autre signe d'escalade, l'armée fidèle au général Burhane a appelé hier, dans un communiqué, «les retraités de l'armée (...) ainsi que tous ceux qui sont capables de porter les armes» à se diriger vers la caserne la plus proche et à «s'armer pour se protéger» et défendre leurs familles et leurs voisins. La guerre qui a éclaté le 15 avril a fait plus de 1.800 morts, selon l'ONG ACLED. Elle a aussi contraint plus d'un million de personnes à se déplacer à l'intérieur de ce pays d'Afrique de l'Est, l'un des plus pauvres au monde, et au moins 300.000 habitants se sont réfugiés dans les pays voisins, eux-mêmes en crise, selon l'ONU. Plus de 25 des 45 millions de Soudanais ont désormais besoin d'aide humanitaire pour survivre, selon l'ONU. Mais alors que la trêve s'achève demain soir, aucun couloir humanitaire n'a pu être sécurisé, bloquant aussi les civils qui veulent partir. En conséquence, l'ONG Médecins sans frontières (MSF) dit qu'elle pourrait être forcée de suspendre ses activités en raison de stocks pillés ou bientôt à sec. Elle a besoin de nouvelles livraisons et de nouveaux visas pour faire venir des médecins après que nombre de praticiens soudanais ont fui ou ont été attaqués. Et, ajoute l'ONG Islamic relief, «nous sommes dans une course contre la montre» car «il faut amener l'aide avant la saison des pluies en juin», généralement synonymes d'épidémies de paludisme ou d'autres maladies nées des eaux stagnantes. Pour le CICR aussi, «c'est une question de vie ou de mort».»Avec seulement 20% des structures médicales de Khartoum encore opérationnelles, nous faisons face à un véritable effondrement du système de santé au moment même où la population en a le plus besoin», rappelle son patron au Soudan, Alfonso Verdu Perez. L'armée, elle, a accusé hier les FSR d'avoir pillé un hôpital pour enfants.