Plus d'un Soudanais sur deux a besoin d'aide humanitaire, a annoncé mercredi l'ONU, après plus d'un mois de guerre entre l'armée et les paramilitaires que les efforts diplomatiques internationaux ne parviennent pas à faire cesser. Mercredi, les combats ont encore fait trembler les maisons de plusieurs quartiers de Khartoum, la capitale aux rues désertes, d'où s'élevait une épaisse fumée noire. Après un mois de combats qui ont fait près d'un millier de morts, environ 840 000 déplacés et 220 000 réfugiés, l'ONU a revu à la hausse ses appels de fonds, indiquant avoir besoin de 2,6 milliards de dollars pour l'aide au Soudan. «Aujourd'hui, 25 millions de personnes - plus de la moitié de la population du Soudan - a besoin d'aide humanitaire et de protection», a déclaré le responsable des Affaires humanitaires à l'ONU, Ramesh Rajasingham. À cela s'ajoute près d'un demi-milliard de dollars pour aider les réfugiés ayant fui dans les pays voisins. Ces réfugiés seront plus d'un million au total cette année, prévoit l'ONU. Avant la guerre lancée le 15 avril entre l'armée du général Abdel Fattah al-Burhane et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), du général Mohamed Hamdane Daglo, déjà une personne sur trois souffrait de la faim dans ce pays de 45 millions d'habitants. Aujourd'hui, les vivres se font de plus en plus rares. À Khartoum, une ville de cinq millions d'habitants, ceux qui n'ont pas fui sont terrés chez eux. L'industrie agroalimentaire, déjà à genoux après 20 ans d'embargo, est bombardée comme les maisons, hôpitaux et institutions à Khartoum et dans d'autres villes. L'usine Samil qui produisait «60% des traitements nutritionnels pour les enfants en grande carence alimentaire», selon l'Unicef, est partie en fumée. L'aide humanitaire a été pillée. Médecins sans frontières a annoncé que «des hommes armés sont entrés mardi dans (son) entrepôt de Khartoum pour piller» au moins «deux véhicules remplis de fournitures». Malgré le chaos qui règne à Khartoum et surtout dans la région du Darfour, frontalière du Tchad, les négociations pour une trêve humanitaire semblent ne mener nulle part. «Nous devons dire à ces généraux d'arrêter ce n'importe quoi», s'est emporté le président kenyan William Ruto. Mercredi, l'agence officielle soudanaise a diffusé pour la première fois une vidéo du général Burhane au milieu de soldats en liesse devant un bâtiment calciné du QG de l'armée à Khartoum. À Djeddah, les chefs de la diplomatie égyptienne et saoudienne ainsi que le patron de la Ligue arabe se sont dits hier en faveur d'un cessez-le-feu, mais sans en proposer les contours. Les pays arabes sont profondément divisés sur le Soudan: l'Egypte est alliée au général Burhane, les Emirats arabes unis au général Daglo et Riyadh entretient des liens avec les deux camps. Les efforts diplomatiques se multiplient néanmoins car les pays voisins redoutent une contagion. Derrière cette guerre, expliquent les experts, se joue aussi la compétition entre des populations qui monopolisent historiquement le pouvoir et les ressources, et les composantes les plus marginalisées de cette mosaïque ethnique. «Si le conflit se poursuit, il y aura de plus en plus de risques que des acteurs externes soient impliqués», ajoute le Rift Valley Institute, alors que déjà, le Soudan et ses mines d'or sont devenus une destination convoitée par des mercenaires et des pays étrangers.