La guerre sourde, que se livrent réconciliateurs et éradicateurs, dégouline à travers certains écrits de presse. Le délai d'application de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale permettant aux islamistes armés de se rendre, prend fin aujourd'hui. Désormais, il s'agira, soit d'explorer de nouvelles voies pour convaincre ceux qui sont encore dans les montagnes ou disséminés dans les villes, et d'assécher ainsi, et sans plus de morts, les maquis islamistes, soit de reprendre la lutte antiterroriste, avec tous les dégâts collatéraux qu'elle occasionne, et avec les limites imaginables qu'elle représente. L'heure n'est pas encore aux premiers bilans à dresser, mais on peut déjà constater que le président de la République, artisan et cheville ouvrière de ce qui semble être son plus grand chantier depuis sa première investiture, n'est pas tout à fait ravi des résultats enregistrés, même si l'on peut affirmer qu'ils sont acceptables dans une certaine mesure. Le ministre de l´Intérieur, Noureddine Yazid Zerhouni, a indiqué, il y a une semaine, que des résultats positifs ont été réalisés grâce à la réconciliation nationale qui a permis la reddition, jusqu'à présent, de 250 à 300 terroristes pour bénéficier des dispositions de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale. On peut même suggérer qu'une réelle accalmie caractérise les zones-crises depuis le début du mois d'août. Mais, si l'on se réfère aux réalités du terrain, on peut alors supposer que les choses ne sont pas aussi nettes qu'on le dit. Et les indices ne manquent pas pour les partisans de cette seconde hypothèse. Si on avait un chiffre réel du nombre de repentis, on pourrait alors faire une évaluation sérieuse, mais en l'absence de statistiques fiables, il faut garder le sens de la mesure. On parlait, en 2005, de 500 et même de 1000 terroristes encore actifs. Or, les services de sécurité enregistrent une moyenne de 250 à 300 terroristes tués chaque année. Donc, soit on assiste à des estimations approximatives, soit on ne tient pas compte des réseaux de soutien, innombrables, dont les éléments sont non-fichés et non-répertoriés, donc inconnus des services de sécurité, soit qu'il y a, chaque année, un recrutement massif de jeunes islamistes tentés par la radicalisation et attirés par le terrorisme. Le retour des leaders islamistes à l'étranger et auquel le président de la République tenait particulièrement, ne s'est pas effectué. Ni Rabah Kebir, ni Abdelkrim Ghemati, ni Ould Adda, ni Noui, ni encore moins Anouar Haddam et le «groupe de Londres», un des plus importants conglomérats d'islamistes algériens vivant en Europe, n'ont regagné Alger. Leur retour, on le sait, aurait donné de la crédibilité et de la consistance à l'offre de paix du président Bouteflika. L'impression que donnent ces anciens dirigeants du Fis dissous est que des «entraves sont mises sciemment par des clans connus pour faire échouer la paix». Ces entraves consistent dans les interdits et restrictions politiques et civiques dont ces leaders font l'objet. C'est ce qui ressort des propos de la plupart des chefs islamistes, même ceux qui ont soutenu le président et porté la réconciliation à bras-le-corps comme Madani Mezrag et Rabah Kebir. La mise en oeuvre de la Charte pour la paix, le 28 février, qui a permis la libération de plus de 2200 personnes détenues dans des affaires liées au terrorisme, avait suscité un engouement de la part des clans nationalistes et islamistes, les deux plus grands courants politiques du pays. Les groupes armés, principaux destinataires de l'offre de paix proposée par Bouteflika, n'ont manifesté aucun intérêt pour cette forme de paix, et la majorité de ceux qui se sont rendus semblent être des sous-fifres et des hommes de seconde, voire, troisième main. Face à de telles contradictions, Bouteflika se trouve face à des choix difficiles. Continuer à séduire ou commencer à frapper? On avait déjà précédemment dit que ce serait un dilemme pour le président de la République, qui a maintenu le cap sur la paix depuis sa première investiture, de rompre ce fragile équilibre politico-sécuritaire, d'autant plus que la guerre totale contre la subversion islamiste a montré ses limites et son incapacité à gérer un phénomène récurrent. Des mesures complémentaires aux mesures de réconciliation seront prises, prochainement, afin de conforter la paix, mais il est fort à parier que l'adhésion des islamistes, qui crient que cette charte les a outrageusement disqualifiés tout en leur faisant porter, seuls, le poids de la «tragédie nationale», ne se fera que sur la base de nouvelles concessions. Ceux-ci estiment qu'ils peuvent apporter un plus à la paix, pour peu qu'on les laisse faire et qu'on ne leur demande pas des comptes tout en les privant du moindre de leurs droits politiques et civiques. La guerre sourde que se livrent réconciliateurs et éradicateurs est perceptible à travers certains écrits de presse et renseigne sur les enjeux qui se déroulent «plus haut». Les enjeux liés à la guerre et à la paix et les fragiles équilibres politiques semblent être les principaux obstacles qui ont freiné un plan dont on attendait beaucoup.