Le CNSP a informé la Cedeao, dont une délégation voulait se rendre hier à Niamey, qu'elle ne pouvait pas venir pour des raisons «de sécurité».»Le contexte actuel de colère et de révolte des populations suite aux sanctions imposées par la Cedeao ne permet pas d'accueillir la dite délégation dans la sérénité et la sécurité requises», indique une lettre officielle du ministère nigérien des Affaires étrangères adressée à la Cedeao.»Le report de la mission s'avère nécessaire, tout comme la révision de certains aspects du programme, dont les rencontres avec certaines personnalités qui ne peuvent avoir lieu pour des raisons évidentes de sécurité, dans cette atmosphère de menace d'agression contre le Niger», ajoute cette lettre datée de lundi. Le coup d'état au Niger est salué par nombre d'habitants de la capitale nigérienne Niamey, opposés au régime déchu et qui espèrent désormais faire entendre leurs voix. Ils étaient quelque 30.000 dimanche au stade Seyni Kountché de Niamey, le plus grand du Niger, pour soutenir les militaires qui ont renversé le Président Mohamed Bazoum, mettant fin à plus de douze années au pouvoir du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS). Une démonstration de force orchestrée par les nouveaux maîtres du pays alors que la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cedeao) menace d'utiliser la force contre eux. Mais sur place, la joie sur les visages, les tribunes remplies, l'atmosphère de fête malgré la tension et les slogans hostiles à la France et la Cedeao semblaient témoigner d'une ferveur réelle. Le lendemain, lundi, la menace d'intervention militaire s'est en partie dissipée et les rues de la capitale ont retrouvé leur calme habituel. Mais la fièvre n'est pas encore retombée.»C'est une libération!», se réjouit Ousseini Tinni, mécanicien.»On se sent libres, vu la situation qui prévaut dans ce pays depuis plusieurs décennies», abonde Alhassane Adamou, administrateur dans le secteur privé. Les habitants interrogés sont unanimes et les adversaires du coup d'Etat se font discrets. Les militaires au pouvoir ont annoncé la suspension de la Constitution, interdit les manifestations et arrêté plusieurs ministres de Mohamed Bazoum. «Les militaires je les soutiens à 100%», assure Samaïla Abdourahim, un commerçant, «parce que sous le régime passé, on parlait de la démocratie, mais ce n'étaient que des mots. Ce n'était pas la démocratie, c'était la dictature». La capitale n'a pas oublié les émeutes au lendemain de la victoire de Mohamed Bazoum lors de la présidentielle de 2021, qui avaient fait deux morts et conduit à l'interpellation de 468 personnes. Ni la condamnation de l'opposant Amadou Hama à un an de prison, qu'il avait qualifiée de «complot» pour l'écarter du scrutin. Le régime déchu était classé comme «autoritaire» dans l'indice de démocratie publié en 2022 par The Economist Group. Et de vilipender la France, ex-puissance coloniale, jugée trop complaisante à l'égard du régime Bazoum et d'une classe politique honnie. Au Sahel, les partenaires internationaux «avaient comme priorité la réduction des flux migratoires, l'accès aux ressources naturelles, la lutte contre le terrorisme (...) et le maintien de leur influence dans la région. La démocratie et le développement économique ont été largement subordonnés à ces objectifs», écrit Ken Opalo, professeur à l'université de Georgetown. Alors que le Mali et le Burkina Faso voisins sont dirigés par une autorité de transition issue de coup d'état, les pays occidentaux avaient fait de Mohamed Bazoum, président élu et homme de dialogue, un partenaire privilégié.»Le président Bazoum avait engagé un effort sincère de réformes des institutions et des pratiques de pouvoir (...) Mais ses capacités pour changer les pratiques réelles de l'Etat et de ses représentants étaient limitées par la nécessité de maintenir également les équilibres politiques qui l'avaient porté au pouvoir», affirme International crisis group (ICG) dans un rapport publié lundi.