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«La littérature amazighe vit un véritable sursaut»
Koussaïla Alik, Ecrivain, à L'Expression
Publié dans L'Expression le 10 - 08 - 2023

L'Expression:On assiste ces cinq dernières années à une augmentation considérable du nombre de romans en langue amazighe, édités, comment expliquez-vous, en tant qu'universitaire et écrivain, cette évolution?
Koussaïla Alik: Oui, effectivement, comme vous l'avez souligné, on assiste à une augmentation considérable du nombre de romans publiés en langue amazighe. Il y a eu une première période de publications, cette deuxième période est marquée par de nouveaux écrivains (journalistes, enseignants, universitaires et étudiants), qui font, en particulier, référence à la première génération de romanciers, les pionniers connus, distribués dans les librairies, qui ont largement investi dans le domaine de la littérature tout au long de leur carrière. On peut citer, entre autres,: R. Alliche (Asfel 1981, Fafa 1986), A. Mezdad (I? d wass, 1990 / tagrest ur?u, 2000), L. Abbas (A?u n temsal, 1993), S. Zenia (Tafrara, 1995 / A?ar n tagut, 2016), T. Ould Amar (Bururu, 2006), etc. Cette deuxième génération émergente s'est montrée capable d'accomplir et d'impulser un mouvement littéraire dans la langue et la littérature amazighes. Ces romanciers et nouvellistes sont majoritairement des enseignants de langue amazighe, ils s'inscrivent dans la continuité et la démarche des premiers romanciers, mais également avec une certaine originalité en matière de configuration et de pensées, de thématiques et de figures de style. Des oeuvres littéraires préfacées souvent par des enseignants-chercheurs, une manière d'initier et d'encourager un travail de collaboration et d'échanges. Pour exemple, le roman de Mohand Mechouar (Avrid n tefsut, 2018) préfacé par A. Rabhi, celui de Djamal Mahroug (Agni n twa?it, 2022) préfacé par S. Chemakh. D'autres romans seront également cités dans les prochaines rubriques; Le répertoire est très étendu, chaque item est lié à la question et sera détaillé pour clarification. En honorant ceux qui continuent de remplir des «silos littéraires».
En plus des romans, il y a aussi de nombreux recueils de nouvelles (tullisin) qui sont publiés, pouvez-vous nous en donner un aperçu?
Les nouvelles sont aussi un autre genre littéraire. Elles permettent aux auteurs de raconter succinctement des histoires en abordant des thèmes variés en rapport avec la société. Beaucoup de nouvelles sont publiées dans des revues (Tamazi?t tura) par le Haut-Commissariat à l'amazighité (HCA) et aussi par des écrivains à titre d'auteur ou en collaboration avec les éditions et les imprimeries, cela depuis le début des années 2000. C'est le cas de: A. Mezdad (Tu?alin, 2003), S. Chemakh (Gar zik d tura, 2009) K. Bouamara (Nekkni d wiya?, 2009, H. Halouane (Tamekrust, 2014), des enseignants-chercheurs dans le domaine des lettres et langues, des enseignants de tamazight au lycée et collège, et des étudiants qui ont collaboré et contribué à l'émergence de ce nouveau genre de textes dans la littérature amazighe (kabyle) contemporaine. Je vous suggère de vous référer à ces séries et numéros de revues. Pour rappel, la revue Tafsut du Mouvement Culturel Berbère a aussi, pendant une certaine période, publié clandestinement des poèmes, des articles et des nouvelles en tamazight, elle est connue comme une revue aussi scientifique que pédagogique.
Est-ce qu'on peut connaître le profil des nouveaux écrivains de langue amazighe, ils viennent de quels horizons, quels sont leurs métiers en général...?
Oui! On apprend à connaître le profil des écrivains, notamment à travers les thèmes et les sujets abordés dans leurs textes, ils travaillent dans l'enseignement et dans le domaine du journalisme (l'audio-visuel) qui permet de diffuser ces genres et toucher un public plus large. Des autodidactes publient et collaborent également à leur manière, comme en témoigne: M. Nait Abdellah (Targit yiwwas, Ad teffe?, 2019), avec qui j'ai des contacts réguliers. Il est poète aussi. Souvent influencés par la tradition réaliste des romanciers Maghrébins les plus connus comme Kateb Yacine, Ahmed Sefrioui, Mohammed Dib, Tahar Ben Jelloun, Mouloud Feraoun, Mouloud Mammeri, ils attachent plus particulièrement une importance au milieu social dans lequel sont plongés les personnages de leurs romans.
Il y a aussi un autre phénomène, c'est le nombre sans cesse croissant de femmes qui publient des romans en tamazight, pouvez-vous nous en parler?
Ce phénomène s'explique par la dynamique des femmes qui s'investissent beaucoup dans la culture, un changement social perceptible dans le mouvement associatif, les milieux artistiques et culturels. Cette génération de femmes joue, en effet un rôle inédit dans le développement de la culture amazighe. Elles deviennent écrivaines en tamazight au même titre que les hommes, et avec des prix littéraires. Parmi les romans primés: L. Koudache (A?ecciw n tmes, 2009), D. Lwiz (Gar igenni d tmurt, 2017), R. Ben Sidhoum (L?if d usirem, 2018 et Icenga n talsa, 2020), C. Ben Gana (Amsevrid, 2019), N. Benazzouz (Tudert n tmara, 2019 / Taekkazt n lejdud, 2021), Z. Aoudia (Tiziri, 2021), Z. Lagha (Tameddit n wass, 2020), D. Keddache (A?win, 2019 / Tisssirt, 2022).
Pourquoi d'après vous il y a de plus en plus de femmes écrivaines de langue amazighe?
Ce sursaut littéraire des femmes tient à l'évolution de la société rurale, notamment. L'ancienne génération de femmes n'avait pas accès à la culture dite savante. Les traditions stagnantes les ont rivées aux tâches domestiques. Les filles étaient souvent arrachées très tôt à l'école. La nouvelle génération de femmes se libère de ce carcan des préjugés, elles participent de plus en plus à la production culturelle (fictions, poésie, chant...). Leurs oeuvres traduisent précisément les vicissitudes de leurs mères et grands-mères. La condition de la femme kabyle revient très souvent dans les thématiques qui y sont abordées.
Justement, concernant le fond de ces romans, quels sont les thèmes qui reviennent le plus dans les romans en langue amazighe?
On y trouve l'exil, l'émigration, l'exode, les calamités de la guerre, le chagrin, la séparation, les tabous, l'autoritarisme et la censure. Chaque écrivain les traite et les aborde d'une façon singulière. Le personnage principal de l'oeuvre, par son comportement, ses opinions, donne une bonne idée de la thématique abordée. Par ailleurs, les textes peuvent aborder conjointement les thèmes généraux que sont: la vie, la mort, l'amour, l'amitié, etc. Il faut parfois lire entre les lignes pour trouver des thèmes plus précis tels que la jalousie, l'orgueil, le dépassement de soi, etc. Ces nouveaux romans abordent des sujets variés qu'on devine parfois à travers leurs titres: S. Lehdir (Tirga n wul), Y. Ye?ya (Tame?ra n wuccen), D. Mexxus (Ussan n tayri) parus en 2018. On le voit également dans les derniers romans parus: O. Ulaâmara (Agadir n Roma, 2019), L. Belaïdi (Yezger Asaka, 2019), H. Bessaâd (I?eblac), A. Fettouche (Tayri n umettan), R. Uslimani (Tayri gar ufara d u?uru), etc., publiés en 2022.
Y a-t-il une différence importante entre les thèmes abordés chez les auteures femmes et les hommes?
Pas autant, les écrivains se focalisent sur des points qui touchent l'exil, les calamités de la guerre, l'autoritarisme, la quête de l'identité, les conflits de génération, le chagrin et la joie de vivre face aux difficultés et à l'idéologie dominante. Il demeure que la condition de la femme, de sa place au sein de la société, la phallocratie, devient un sujet de plus en plus traité.
Quel est l'impact de ces romans dans le milieu universitaire comme les départements de langue et culture amazighes?
Dans le milieu universitaire, ce sont des références incontournables pour découvrir la littérature amazighe contemporaine et récente dans toutes ses dimensions (Stylistique, Imaginaire,...). Ces oeuvres sont matière à étudier les notions qui y sont mises en oeuvre: figures de style, comparaisons, métaphores, périphrases, formules anciennes, procédé d'accumulation. Ce sont des romans qui font l'objet de recherche dans le champ littéraire par les étudiants à l'université. On peut le constater dans les travaux de recherches (master et doctorat) qui abordent cette thématique en rapport avec la nouveauté et la stylistique.
Vous êtes vous-même auteur en tamazight, parlez-nous de votre livre...
La première nouvelle que j'ai publiée, est intitulée «Ugade? ay imru» dans la Revue Tamazi?t tura du HCA, en 2010. Tout ce que j'écris, en particulier mes poèmes et autres nouvelles, sera bientôt publié. Je vous renvoie à mon recueil (Ahni d yidwi, Le sang et l'encre), «Tullisin», Graine Fertile, juin 2021. «Le sang et l'encre» est un ouvrage en tamazight, composé de six nouvelles: «Taddart yedjlen» (le village des martyrs), «Imru n unekruf» (la plume du prisonnier), «Arraw n tefsut» (les enfants du printemps), Acivan, ameddakel n warrac (l'ami de l'enfant), Rrezg n umengur (la malchance) et «Kenza». Dans «Le sang et l'encre», on retrouve, notamment une nouvelle intitulée «Taddart yedjlen» (le village des martyrs). Elle raconte l'histoire de mon village natal Tifilkout de Kabylie, bombardé au napalm durant la Guerre de libération, ainsi que la souffrance des familles et l'incarcération arbitraire de plusieurs villageoises. Ces femmes étaient emprisonnées parce qu'elles étaient des épouses de maquisards. Ce bombardement a été un évènement tragique dont le village parle encore aujourd'hui. Il y a aussi ««Arraw n tefsut» (Les enfants du printemps), un hommage à la famille qui avance. Elle est racontée à travers la symbolique de Hanan, une femme qui a tout sacrifié pour rester toujours attachée à son mari, Meziane, qui s'est battu face à l'intégrisme. Quant à l'écriture, je baigne depuis très jeune dans la littérature. J'ai commencé à écrire dès mon adolescence. Parmi mes souvenirs, je retiens le roman de l'écrivain Mouloud Feraoun, «Le Fils du pauvre» (1950), qui décrit la rudesse de la montagne kabyle. L'auteur, par l'autobiographie, nous donne tout un cadre de vie d'un enfant pauvre auquel beaucoup s'identifiaient.
Pouvez-vous nous parler de l'aspect qualitatif des romans publiés en tamazight, car il semblerait, selon de nombreux observateurs, que parfois certains textes ne répondent pas au minimum requis en la matière?
Le document sera évalué par des spécialistes dans les domaines de la littérature et de la linguistique. Il reste encore quelques lacunes liées à l'orthographe pour trancher quelques notions en rapport avec la norme, la standardisation d'une langue variée. Il est temps de démêler les merveilleux symboles qui prolongent le sommeil pour le rêve d'une langue unifiée! C'est plutôt tamazight (langue maternelle) ou comme une langue polynomique. Ainsi, le kabyle jaillit à travers la production artistique, théâtrale et littéraire. D'autres ont également suivi la voie du développement (Chaoui, Touareg, Mozabite, etc.). La sélection objective remplira sa mission dans un environnement serein et transparent.
Quel est le profil des personnes qui préfèrent lire des romans en langue amazighe?
Le lectorat cherche toujours à découvrir quelque chose de nouveau à travers les romans en langue amazighe, il est motivé par son attachement à la langue et à la culture amazighes en général. Lycéens, étudiants, enseignants, artistes et poètes encouragent la production et animent les festivals.
Comment voyez-vous l'avenir du roman amazigh et de la littérature amazighe de manière générale?
Ce corpus inédit (romanesque) est un nouveau trésor en tamazight (kabyle), ces textes seront étudiés et inclus dans des manuels scolaires pour enrichir le contenu et le programme (grammaire, compréhension écrite, vocabulaire, écrit et oral). L'un des moyens sûrs de sauver cette langue ancestrale est de produire continûment de la littérature (romans, nouvelles, théâtre) et des journaux qu'il convient de développer, et bien entendu la chanson et la poésie. Ce sont des développements primordiaux à défendre. En conclusion, je dirai que la plume détient toujours la promesse de sauver notre langue de l'extinction, et qu'elle portera le message aux générations futures.


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