Le rapport de l'Aiea, confirmant que l'Iran n'a pas suspendu ses travaux d'enrichissement, a donné le top à une bataille d'usure entre Téhéran et l'Occident. Sans surprise, le rapport très attendu de l'Agence internationale de l'Energie atomique (Aiea, agence de sûreté nucléaire de l'ONU), rendu public jeudi à Vienne, a confirmé ce que tout le monde savait, que Téhéran n'a jamais caché: l'Iran poursuivait son programme d'enrichissement nucléaire malgré le fait que la résolution 1696 du Conseil de sécurité du 31 juillet lui exigeant de suspendre toutes ses activités d'enrichissement de l'uranium et au retraitement avant le 31 août. A la date butoir, qui a expiré ce jeudi, l'Iran ne s'est donc pas conformé aux demandes de l'ONU et du groupe des six grandes puissances (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité+l'Allemagne) selon le rapport de l'agence onusienne qui indique que: «L'Iran n'a pas suspendu ses activités liées à l'enrichissement». De fait, dans un discours prononcé jeudi et retransmis par la radio, le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, persiste et signe, affirmant: «L'Iran ne renoncera jamais à l'énergie nucléaire pacifique et à son droit absolu» en matière nucléaire. «Le monde doit savoir que le peuple iranien ne cèdera pas d'un pouce face à l'intimidation et n'acceptera pas d'être privé de ses droits», a-t-il encore indiqué. D'autre part, dans une déclaration à l'agence Irna, M.Ahmadinejad a déclaré, sans cependant, faire référence au rapport de l'Aiea,: «Ils essaient de priver l'Iran de la technologie nucléaire civile (...), ils pensent qu'en adoptant des résolutions, ils peuvent obliger le peuple iranien à reculer par rapport à ses acquis nucléaires mais ils se trompent» et, réitérant son propos à la télévision d'Etat, il affirme: «Résister face aux pressions internationales et défendre les acquis nucléaires est le meilleur choix de l'Iran dans le dossier nucléaire». L'affaire du nucléaire prend, dès lors, les tournures d'un clash entre l'Iran et une partie de la «communauté internationale» (en fait l'Occident, à sa tête les Etats-Unis) qui tient à préserver sa «chasse gardée» sur le nucléaire, interdisant, de fait, à tout pays ne faisant pas partie de sa sphère d'influence d'accéder à la connaissance et à la maîtrise de la technologie nucléaire. Sans surprise aussi, le président américain a immédiatement brandi l'arme des sanctions en déclarant jeudi: «Il est temps que l'Iran choisisse. Nous avons fait notre choix. Nous continuerons à coopérer étroitement avec nos alliés pour trouver une solution diplomatique, mais l'attitude de défi de l'Iran doit avoir des conséquences et il ne faut pas permettre à l'Iran de fabriquer l'arme nucléaire». Or, le rapport de l'Aiea est affirmatif et indique qu'aucune preuve du caractère militaire des recherches nucléaires iraniennes, n'a été relevée. Et cela semble, à tout le moins, montrer la bonne foi de Téhéran lorsqu'il affirme que son programme nucléaire est strictement civil. L'Aiea a mis, sous surveillance, le programme nucléaire iranien au début de 2003, après la découverte d'activités clandestines, rappelle-t-on. Jeudi à Vienne, un haut responsable de l'Aiea a indiqué que l'agence «n'avait pour le moment pas obtenu de preuves d'activités de nature militaire» affirmant que «Les inspecteurs n'ont pas découvert de preuve tangible que le programme nucléaire de l'Iran soit de nature militaire». On est loin donc de l'alarmisme dont fait montre le président américain qui n'entend pas qu'un pays de l'hémisphère sud puisse un jour acquérir l'ensemble de la technologie nucléaire. En fait, chacun fait du rapport de l'agence onusienne la lecture qui lui convient. Ainsi, si le président Bush, s'appuie sur ce rapport pour réclamer des sanctions contre l'Iran, Téhéran, en revanche, ne le trouve pas totalement «négatif», selon Mohamed Saïdi, vice-président de l'Organisation iranienne de l'énergie atomique (0iea) selon lequel «le rapport de l'Aiea n'est pas négatif» indiquant que «les activités d'enrichissement d'uranium se poursuivent dans un cadre de recherche et sous le contrôle de l'Aiea» et d'ajouter: «Le rapport est très factuel et souligne que le programme nucléaire iranien se fait sous la supervision de l'Aiea et qu'il n'y a aucun détournement» vers un but militaire «contrairement à la propagande américaine», a-t-il fait remarquer. M.Saïdi a encore dit que «même si ce rapport ne nous satisfait pas complètement, il montre que les affirmations et la propagande des Etats-Unis, à propos du programme nucléaire iranien, sont totalement sans fondement et résultent des hallucinations des responsables américains» et M.Saïdi de conclure: «Le rapport montre qu'il n'y a aucune justification légale et juridique pour envoyer le dossier nucléaire iranien devant le Conseil de sécurité». Plus concis, le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, a indiqué, jeudi, que «même si le délai est arrivé à expiration, je ne crois pas que le Conseil de sécurité agisse demain» alors qu'on lui demandait si des sanctions éventuelles allaient être prises contre l'Iran. Par ailleurs, les 25 de l'Union européenne devaient se réunir hier, sous la présidence tournante de la Finlande pour évoquer les derniers développements de l'affaire du nucléaire iranien et sans doute réfléchir à d'éventuelles sanctions contre l'Iran, sans pour autant, indique-t-on à Bruxelles, renoncer au dialogue avec Téhéran.