Il n'est pas question pour les pays producteurs d'entrer en conflit avec les pays consommateurs. C'est en substance l'avis de tous les ministres de l'Energie présents les 1er et 2 février à Alger pour la tenue du 2e forum ministériel des pays exportateurs de gaz. Il n'est pas question non plus d'abandonner les contrats à long terme. Contrats qui ont déjà fait leur preuve et qui demeurent les seuls à pouvoir assurer un développement certain des marchés gaziers et à garantir un approvisionnement continu des pays consommateurs. «Le maintien des contrats à long terme et la mise en place de nouvelles formules de partenariat (...) associant les pays producteurs, les compagnies et les pays consommateurs, sont plus que jamais indispensables à la stabilité de ce secteur vital de l'économie mondiale», a déclaré le Président Bouteflika dans son allocution d'ouverture. Selon lui, il y va des intérêts primordiaux des pays exportateurs et de leur développement car, a-t-il signalé, «les revenus tirés de nos hydrocarbures constituent un levier essentiel pour le développement de la plupart de nos pays». Sur un ton plus ferme, le Président a ajouté: «Le problème de la stabilité et du pouvoir d'achat de ces revenus ne peut être ni occulté ni discuté au gré des circonstances.» Une manière judicieuse de mettre l'accent sur le rôle que les pays producteurs devraient désormais jouer sur la scène internationale, forts de leur importante participation dans l'approvisionnement mondial en gaz naturel. En effet, l'état des réserves gazières des treize pays présents au forum représente pas moins de 100.000 milliards de m3, sur un total mondial de 150.000 milliards de m3. C'est dire qu'ils occupent 60% du marché mondial. «Il nous appartient en tant que producteurs, remarquait le président, de nous prononcer sur les modes d'adaptation les plus appropriés pour éviter les chocs préjudiciables à nos revenus et stabiliser le marché gazier.» Les chocs préjudiciables, c'est du côté de l'Union européenne qu'ils risquent de surgir. La directive gaz y sera pour beaucoup, elle, qui dérégule le marché européen de manière à ce que ces mêmes contrats à long terme qui, jusqu'à présent, ont toujours prévalu, risquent dorénavant de céder le pas aux contrats à plus court terme. Ce sont ces derniers qui posent effectivement problèmes, car susceptibles de rendre le marché plus volatile tout en transférant tous les risques en amont. Les producteurs seraient alors contraints de supporter les risques prix et volumes et seraient, de ce fait, incapables de poursuivre les lourds investissements que requiert l'industrie gazière. Bouteflika n'a pas manqué de se prononcer la-dessus. «Il est regrettable, en effet, a-t-il dit, que la directive gaz de l'Union européenne, adoptée en 1998 et conçue sans concertation avec les fournisseurs de gaz, n'ait eu apparemment pour souci essentiel que la sécurité des approvisionnements des pays européens». C'est, d'ailleurs, dans cette perspective que le Président veut faire du forum un espace ouvert au dialogue et aux échanges d'expériences. Il s'agit, selon lui, de renforcer les capacités de partenariat et d'éviter d'«entrer inutilement en compétition là où, a-t-il insisté, nos intérêts mutuels sont en jeu face aux nouvelles opportunités ouvertes par l'industrie gazière». Le chef de l'Etat s'est toutefois félicité de percevoir, depuis quelques mois, des indices «encourageants» au sein de la commission européenne «en vue de l'élimination de ce paradoxe». Celui-là même, a-t-il expliqué, qui, d'une part, aspire à sécuriser les approvisionnements en Europe, et qui, d'autre part, transfère tous les risques commerciaux et industriels sur le compte des seuls producteurs. Le maintien des contrats «take or pay» apparaît alors comme la seule solution au problème pour la simple raison, indique-t-on, des longs délais d'amortissements de l'industrie du gaz. La stabilité du marché serait à ce prix. Elle serait profitable, insiste Bouteflika, et pour le producteur, dont les revenus gagneraient en stabilité, et pour l'acheteur qui assurerait son approvisionnement. La nécessité serait alors, selon le Président, de recourir obligatoirement «à la concertation entre les principaux acteurs, à commencer par les producteurs, et au partage équitable des risques et des bénéfices, pour toute redéfinition des règles commerciales en matière de gaz ou, conclura-t-il, lorsqu'il s'agira d'envisager de nouveaux investissements».