«La création d'une telle organisation pourrait être envisagée si l'industrie gazière connaissait un net développement à l'échelle mondiale», déclare Chakib Khelil. Les membres du Forum des pays exportateurs de gaz (Fpeg), une organisation informelle apparue en 2001, regroupant une quinzaine de pays, réunis, hier, à Doha (Qatar) à l'occasion de sa 6e édition, ont décidé de la création «d'un comité technique présidé par la Russie, pour étudier et évaluer la situation sur le marché du gaz et d'autres questions relatives à l'industrie du gaz», a annoncé le ministre qatari de l'Energie, Abdallah Al-Attiyah. Après qu'il était question, au départ, d'annoncer la naissance d'une nouvelle organisation d'exportation du gaz sur le modèle de l'Opep. Pour l'instant, les pays concernés à l'instar de l'Algérie, du Qatar, de la Russie et du Venezuela sont convenus de prospecter d'abord le marché mondial. Selon le ministre russe de l'Energie, Viktor Khristenko, «le Forum du gaz devrait continuer à fonctionner tel qu'il est et à maintenir sa position de transparence et de coordination envers les pays consommateurs.» Cette question préoccupe au plus haut point les pays européens qui s'inquiètent de voir une Opep-bis venir serrer les vannes de l'approvisionnement en énergie du Vieux Continent. La Russie et l'Algérie sont les deux plus grands fournisseurs de gaz en direction de l'Europe, dont les sociétés Sonatrach et Gazprom sont convenues d'une alliance stratégique qui a créé un malaise dans les capitales européennes. Le Fpeg, faut-il le rappeler, a son poids dans le marché international du gaz et regroupe une quinzaine de pays riches en gaz naturel, dont la Russie, l'Iran, le Qatar, le Venezuela et l'Algérie, qui contrôlent 73% des réserves mondiales et 42% de la production. L'idée de distinguer le prix du pétrole de celui du gaz a souvent été recherchée par l'Algérie qui ne veut plus revivre le scénario de la fin des années quatre-vingts qui a vu le prix du pétrole chuter lourdement à des niveaux record entraînant dans la même reculade le prix du gaz. L'idée d'une Opep du gaz est, certes, peu probable de voir le jour dans l'immédiat mais le principe semble avoir été admis par tous. A l'ouverture du Forum, le Premier ministre qatari, cheikh Hamad Ben Jassem Al-Thani, n'a pas évoqué l'idée d'un tel cartel mais il a appelé les pays membres à coopérer davantage. Le fait de désigner le ministre russe à la tête de la commission technique d'évaluation du marché et d'annoncer la tenue de la 7e édition à Moscou, montre bien que l'on se dirige incontestablement vers la création de cette organisation. Même si certains membres n'y voient pas encore l'opportunité d'une telle action comme c'est le cas de l'Egypte. L'Algérie, qui est présente au Forum avec une délégation présidée par Chakib Khelil, a adopté une attitude qui se soucie des lendemains d'une telle décision en suggérant que «la création d'une telle organisation pourrait être envisagée si l'industrie gazière connaissait un net développement à l'échelle mondiale» ce qui n'est pas le cas aujourd'hui d'après le ministre algérien car la liquéfaction du gaz ne représente qu'un taux infime du volume du marché mondial. «Nous ne pouvons pas parler, actuellement, d'une organisation de gestion du marché du gaz, ce dernier étant différent de celui du pétrole régi par des contrats à court terme», a-t-il, notamment, indiqué. Ce qui confirme les appréhensions et le peu d'emballement qu'a suscités l'idée du cartel, à Alger, comme l'ont noté bon nombre d'observateurs. Alors que l'Iran et le Venezuela, qui ont, récemment, signé un traité d'amitié et de coopération, mènent campagne, depuis longtemps, pour la création de ce cartel pour défendre, selon eux, les intérêts des pays producteurs. La Russie, le géant des producteurs de gaz dans le monde avait relancé, début février, l'idée du cartel par la voix de son président, Vladimir Poutine, dont le pays détient près de 30% des réserves prouvées de gaz dans le monde et assure 20% de la production. Il l'avait même jugé «intéressante». Ce qui fait accroître les craintes de l'Europe, importatrice de la moitié de la quantité du gaz consommé, qui ne supporte pas une autre pression dans la crise énergétique qui le secoue avec la montée en flèche du prix du pétrole. L'Opep du gaz est un dossier du ressort de la politique internationale et rentre dans le cadre des luttes d'influence que se livrent les puissances mondiales et régionales d'une part et le bras de fer entre pays producteurs et pays consommateurs d'autre part. Même si le représentant de la diplomatie iranienne au conclave de Doha, le ministre du pétrole, Kazem Vaziri Hamaneh, croit «qu'une organisation des pays exportateurs de gaz est bénéfique pour toutes les parties.»