Madame la présidente de la chambre correctionnelle de Blida, était entrée, de bon matin, fraîche, pimpante et prête à casser la baraque. Entourée de ses deux sympathiques conseillères, et d'un non moins costaud parquetier, la présidente entra fièrement, comme pour défier les mauvaises langues qui n'ont jamais pu admettre qu'une magistrate puisse punir, sévir, commander un tribunal, voire une cour, sans broncher. Elle attendit que le dernier assistant prenne place, pour qu'à son tour, elle s'installa confortablement sur son siège tout neuf. Elle jeta un oeil circulaire dans la salle et, d'emblée, avertit sans concession: «Attention! Je vous préviens, et je vous assure que je ne plaisante pas, mas alors, pas du tout, que tout mobile qui grésillera, sera confisqué, par monsieur le procureur général, qui le fera, sans état d'âme!» Le silence qui accueillit cet avertissement, ressemblait fort bien à un coup de gong annonçant la fin d'un combat inégal. Tout allait donc, pour le mieux. L'audience avançait allègrement, lorsque tout à coup un portable cracha un joli morceau des années 80: on entendit la voix ensorcelante, celle de chaba Fadhila, répondre à celle plus entraînante de cheb Sahraoui. La juge sursauta et s'exclama: «Et alors? Amenez vite ce portable. Confisqué!» Personne ne broncha. On attendait. Puis une voix amicale se fit entendre: «C'est votre mobile, madame la présidente, et il se trouve dans votre sac, juste à côté:» dit doucement, avec un large sourire, le représentant du ministère public, comme pour ne pas écorcher la juge qui retint un fou rire légitime, un fou rire que crachera l' assistance, qui a généré un défoulement sans pareil. Un brouhaha jamais vécu dans une salle d'audience, de mémoire de chroniqueur judiciaire. Sans avoir repris ses esprits, elle chercha durant quelques longues et gênantes, oui, franchement, secondes, et retrouvera son appareil dans le sac à main, qu'elle remettra soigneusement,. Et comme pour prouver sa bonne foi de magistrate droite et dont la parole est celle d'une magistrate respectable, elle prit le portable, l'éteignit, et le tendit en souriant au flic de service, qui le déposera, avec un cérémonial sans pareil, sur le pupitre du représentant de la société. Le procureur avait eu cette réflexion: «Il est confisqué jusqu'à la fin de l'audience, et sera fait, selon la volonté de la détentrice de la police de l'audience!»