La Cinémathèque algérienne a abrité samedi dernier la projection d'un nouveau court métrage entrant dans le cadre de la célébration du soixantième anniversaire de l'indépendance de l'Algérie. Il s'agit de «La rose du sable» ou «desert rose» du réalisateur Oussama Benhassine. Bien que le cadre soit éminemment historique, le récit cinématographique se veut profondément humain. Nous sommes en 1960, à Reggane, en Algérie, Abbès, un jeune petit garçon orphelin, à qui la maman fait croire que son père va bientôt revenir, voit son chien «zeina» être emmené par des soldats français, se dirigeant vers le «Centre saharien d'expérimentations militaires». Au bord du camion, un prisonnier interprété par l'acteur Slimane Benouari. Revenu, à la maison, il informe son grand-père alias Halim Zrebei et sa mère, enceinte, que son chien a disparu. Sa mère campée par la comédienne Khilouli Tenou, tente de le calmer. Apocalypse Now Le jeune garçon finira par découvrir la supercherie du père qu'il ne reviendra plus et clame haut et fort à sa mère: «tu mens!». Nous sommes à la veille du jour du premier essai nucléaire français. Les habitants sont sommés de ne pas sortir de chez eux et de respecter le couvre-feu. Pourtant, désemparé et se sentant abandonné, Abbès part à la recherche de son ami, le chien..Sa mère court à sa recherche. En vain... À côté, les Français, à leur tête le sergent campé par Idir Benaibouche se préparent à à un terrible exercice en plein milieu du déesert saharien: exécuter les ordres au niveau du point zéro de Reggane, sans savoir aussi ce qu'il adviendra d'eux plus tard. Un point de non- retour qui leur sera fatal...Oussama Benhassine, scénariste algérien depuis 2008, a écrit une douzaine de séries télévisées («Djemaï Family», «Camera Café», et puis le dernier feuilleton à sucées du Ramadhan dernier, «Aïn El Djenna». Une fois n'est pas coutume, le film qui met l'accent surtout sur l'aspect humain, réussit son pari en montrant peu, mais en donnant à voir et surtout à deviner l'apocalypse, rien qu'en déclinant à l'image cette forte lumière aveuglante et l'onde de choc qui en découlera. Lors du débat qui a suivi la projection et à laquelle un public fort nombreux y a assisté, y compris la ministre de la Culture Soraya Mouloudji et le conseiller chargé de la culture et de l'audiovisuel Ahmed Rachedi, le réalisateur Oussama Benhassine fera remarquer que cette bombe, première du genre avait non seulement laissé des milliers de victimes parmi les Algériens, mais a aussi touché les soldats français en raison des radiations qui pouvaient pénétrer les minces combinaisons que portaient les soldats, ces soldats n'étant pas du tout bien équipés à l'époque. La malencontreuse surprise s'est révélée des années plus tard avec notamment, des stérilités et des cancers «à 80% à tous les coups!» Des séquelles toujours d'actualité Aussi, ces essais ont eu lieu non pas dans un espace «désertique» contrairement aux dires de certains, mais dans une région peuplée de 6000 habitants. Si l'on parle de 24000 vies algériennes décimées, ce sombre bilan rapporté par les organismes nationaux et internationaux, ceci est sans compter sur un pourcentage important des militaires français présents à Reggane. Si les Français ont été indemnisés, aucun Algérien ne l'a été jusqu'à aujourd'hui, nous apprend -on. Ce jour funeste que le réalisateur a voulu dénoncer est celui du 13 février 1960, à 7h04 du matin, où tout a basculé vers un destin pour lequel des milliers de personnes continuent à subir jusqu'à aujourd'hui les séquelles. Le film donne, en effet, à réfléchir sur la notion de responsabilité en pointant du doigt l'ignorance et la négligence des autorités quant à l'existence d' une population, composée d'hommes, de femmes et d'enfants, mais aussi d'animaux qui furent exterminés et réduis à néant et ce, sans aucun scrupule. Le film qui dénonce cet acte abject, parvient par la beauté de l'image et des plans panoramiques du désert à faire exprimer ce silence strident intérieur qui existe au sein de chaque victime, cette frustration tue, qui continue à alimenter les cauchemars de l'humanité, au-delà des injustices et ces violences jamais jugées. «Les essais nucléaires est la plus grosse menace qui place sur le monde!» a fait savoir le réalisateur avec insistance, durant le débat, et ce, en présence de son équipe artistique et notamment technique, dont El Mestiche, le directeur photo qui a su sublimer le désert en lui insufflant ce côté à la fois mystérieux chaotique et chaud. De la désolation au coeur de la beauté meurtrie... Il faut dire que l'équipe du film a tourné en plein mois de juin dernier où la température avoisinait les 60 degrés. «Tout le monde s'évanouissait mais tenait bon pour que le film se fasse, car tout le monde y croyait, en espérant avoir laissé grâce à ce film un petit témoignage et une trace pour l'histoire...» a avoué émue la productrice, Meriem Ould Chiah.