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Que se passe-t-il au Darfour?
SOUDAN
Publié dans L'Expression le 07 - 09 - 2006

«L´industrie du pétrole présente un aspect mystérieux et même un peu suspect. Ceux qui la connaissent réellement n´en parlent pas, et ceux qui en parlent ne la connaissent pas généralement».
Paul Frenkel (éminent expert pétrolier)
La première fois que le Darfour s´est signalé à la face du monde, c´était il y a vingt ans, en 1985, suite à des famines atroces qui ont vu se mobiliser mollement la communauté internationale, c´était le début de l´exploitation médiatique de la misère du monde. Nous avons vu des hommes politiques se faire flasher - in situ- avec un petit sac de riz sur l´épaule...
Que se passe-t-il au Darfour? Assiste-t-on à un conflit entre tribus arabes et noires africaines? Fait-on face à un génocide, comme l´ont laissé entendre des diplomates onusiens, ou à un nettoyage ethnique, comme l´affirme le Congrès américain? Qui sont ces milices Janjawid? Celles qui ont poussé à l´exil plus d´un million d´habitants de la province du Darfour, avec le soutien du gouvernement de Khartoum, en y kidnappant, violant et tuant en toute impunité. Pour Marc Lavergne, spécialiste du Soudan au Cnrs (France), ancien directeur du Centre d´études et de documentation de l´université de Khartoum, le conflit dans le Darfour n´est pas un conflit racial entre milices «arabes» et tribus «africaines». Mais un conflit entre des tribus arabisées, que le mode de vie a toujours, tantôt rapprochées, tantôt opposées, et dont certaines sont aujourd´hui instrumentalisées par Khartoum. (1)
Tout le monde est noir
Le chercheur a acquis la certitude que le problème majeur de ce pays vient des gouvernements médiocres qui se sont succédé depuis l´indépendance. Ceux-là mêmes qui ont ignoré les provinces périphériques de la capitale, dont le Darfour, et qui instrumentalisent aujourd´hui des miliciens à des fins économiques. Pour lui, la notion d´«Arabe» est culturelle, elle n´a rien de racial. Les milices peuvent être qualifiées d´arabes parce qu´elles ont été arabisées. Elles l´ont été depuis plus longtemps que les tribus Massalits, Arawas... que l´on dit «africaines», mais ces dernières l´ont également été. Même si certaines continuent à pratiquer des parlers africains, elles utilisent toutes l´arabe. Quant à la religion, toutes sont musulmanes. Le problème est plutôt celui du mode de vie. Avec des nomades, pasteurs et des sédentaires, agriculteurs. Une distinction qui est réelle, mais qui n´est pas «étanche» ...Les tribus qui dominent la rébellion, les Arawas, les Massalits... sont ainsi d´anciens nomades. Et ils sont aujourd´hui très bien implantés dans le commerce soudanais. Le terme Janjawid est purement fonctionnel. Il signifie quelque chose comme «les cavaliers du diable, armés de kalachnikovs».(1)
«Pour moi, tout le monde est noir dans cette histoire. La notion de racisme n´a pas sa place. Les milices tribales Janjawid sont des mercenaires qui ne se revendiquent pas du tout «arabes». Ils ne sont pas le vrai problème. En exagérant, on pourrait dire que ce sont là des pauvres qui se battent contre des pauvres. Elles se sont formées, il y a une quinzaine d´années, mais elles n´intéressaient pas du tout la communauté internationale. Car les gens opprimés ne se révoltaient pas. Des massacres se déroulaient pourtant déjà. Mais les victimes n´avaient que leurs yeux pour pleurer. J´étais au Darfour, lors de la famine de 1985. C´était quelque chose d´absolument effrayant. Mais ce n´est que lorsque ces populations opprimées se sont défendues et ont formé une rébellion que l´Onu et la communauté internationale ont commencé à ouvrir les yeux.»
«...Les miliciens sont tout simplement des gens prolétarisés. Ils se retrouvent sans travail, le gouvernement les arme et leur dit «vous pouvez faire ce que vous voulez, voler, piller...» Un problème important que personne n´évoque est qu´ils ne sont plus soumis au contrôle des Anciens. Les nomades et les sédentaires se sont toujours battus, notamment lors de périodes de famines... Ils se battaient à coups de lances et d´épées, il y avait des morts... mais les tribus finissaient pas se réunir, par discuter et sceller des mariages, par exemple, afin d´établir des lignages entre elles et faire la paix pour une dizaine d´années. Aujourd´hui, ce mode de régulation ne fonctionne plus du tout». C´est le choix du gouvernement de Khartoum, depuis 1985, d´armer ces nomades pour s´en servir comme d´une force partisane. Car l´armée coûte cher. Etre militaire est un métier, il ne s´agit pas de tuer tout le monde... Alors, le gouvernement se repose sur ces milices tribales.
Depuis une dizaine d´années, après chaque famine, on assiste à une exacerbation des tensions entre nomades et sédentaires et, à chaque fois, le gouvernement prend parti pour les nomades. De plus, on assiste à la désertification, au nord du Darfour, qui pousse les nomades à rechercher des terres plus au sud...Ce qui m´inquiète le plus, c´est que ces attaques n´ont plus rien à voir avec les razzias traditionnelles, car les Janjawid mettent le feu aux champs et tuent le cheptel. Ce qui signifie qu´ils ne sont absolument pas là pour les vivres. ...On sait que le motif principal de la rébellion du Mouvement pour la justice et l´égalité (MJE) et du Mouvement pour la liberté du Soudan (MLS) est que la région du Darfour a, de tout temps, été négligée... Les gouvernements qui se sont succédé au Soudan n´ont jamais cherché à développer le Darfour, à y créer des emplois, construire des routes. La province du Darfour est négligée, comme toutes les provinces périphériques de Khartoum. Les Janjawid attaquent les tribus sédentarisées pour les faire fuir de leurs terres, afin que les barons du régime ou les nomades, eux-mêmes, viennent y cultiver. S´il est question de chiffres, alors oui, on peut parler de génocide... Par contre, s´il est question d´une sorte de racisme, d´une volonté d´éliminer un peuple, je ne crois pas que les Janjawid désirent éliminer les tribus sédentaires, leurs voisins, leurs cousins».
Comment se fait-il alors qu´un conflit interne puisse venir au premier plan ? Nous avons vu les efforts pathétiques mais pas convaincants, ni financièrement ni militairement, des troupes de l´Union africaine de ramener un semblant d´ordre. Il semble que les Etats-Unis et la Grande-Bretagne - qui abritent 80% des compagnies pétrolières majors - ont, dès le 19 Août 2006, fait circuler un projet de résolution au Conseil de sécurité portant sur le déploiement de 17.000 militaires et 3000 policiers dans la Province soudanaise. La résolution 1706 votée le 31 août 2006, prévoit le remplacement du contingent de l´Union africaine, par une force de l´ONU. La Chine, la Russie et le Qatar se sont abstenus. Le Qatar, le seul pays de la Ligue arabe qui siège au CS, considérait que ce déploiement des forces de l´ONU compliquerait les choses. Dans la plus pure tradition du Far West, voire de la mafia, «les Etats-Unis font une proposition au Soudan qu´il ne peut pas refuser»; ainsi, Tom Casey porte-parole du département d´Etat à Washington déclare: «Le Soudan est dans l´obligation d´accepter cette force dans le processus de paix qu´il a signé».
Naturellement, le gouvernement de Khartoum a rejeté la résolution 1706 décidant du déploiement des forces de l´ONU au Darfour. Omar el-Bachir, président du Soudan, avait affirmé qu´il s´opposerait, au besoin par les armes, à toute ingérence des Casques bleus au Darfour. On sait que le traité de paix signé en mai à Abuja entre le gouvernement d´Omar el-Bachir et la faction majoritaire de l´Armée de libération du Soudan (ALS ou MLS), n´a jamais mis fin aux combats dans cette région pétrolière de l´ouest du pays. Ces combats, d´une rare atrocité, étaient menés conjointement par des milices Janjawid, appuyées par les forces gouvernementales équipées de matériel russe, provenant, entre autres, de Pologne ou de Belarus. Les principales victimes de ces combats ont été les populations civiles, prises directement pour cibles par des hélicoptères et par des troupes au sol appuyées par des engins blindés. Après que la majorité des villages a été détruite, les forces gouvernementales ont attaqué des camps de réfugiés jusqu´au Tchad. Depuis 2003, et malgré un cessez-le-feu signé en 2004, la guerre du Darfour a provoqué entre 180.000 et 300.000 tués, et provoqué au moins 2,4 millions de déplacés.
Les troupes de l´ALS poursuivent leur combat contre les factions minoritaires non signataires de l´accord. Elles sont appuyées par les forces gouvernementales et les forces de l´Union africaine. Les milices Janjawid sont soupçonnées d´y participer également. Les massacres à grande échelle, les déplacements de population, les viols et les pillages se poursuivent. Les ONG présentes sur le terrain sont contraintes de se replier. La mort d´un chauffeur de la Croix-Rouge porte à douze le nombre de victimes des ONG depuis quelques mois. Empêchées d´intervenir, les ONG sont contraintes de se replier et de laisser derrière elles des populations privées de tout, abri, nourriture, eau. Même Amnesty International n´arrête pas de dénoncer la situation humanitaire.(2)
Le gouvernement propose un plan dans lequel ces forces sont présentées comme «forces de paix». L´ONU lance, depuis plusieurs mois, des avertissements sur la dégradation de la situation au Darfour. Après plusieurs appels en ce sens, Jan Egeland, secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires, avait exhorté, lundi, les membres du Conseil de sécurité à une action politique «immédiate» pour éviter une «catastrophe humanitaire sans précédent» et «des pertes massives en vies humaines» dans la région du Darfour.
Les enjeux
Pour Renaud Delaporte, le massacre des populations civiles au Soudan a commencé dans le sud du pays, lorsque les élites arrivées au pouvoir, lors de l´accession du pays à l´indépendance, ont résolu de s´emparer des riches terres du Sud pour leur propre compte... La paix signée en 1983 a coïncidé avec la découverte de pétrole par le groupe Chevron. Il s´en est suivi la prise de pouvoir par el-Bachir et la reprise des exterminations. Peu vendable à l´opinion publique, la guerre génocidaire au Sud-Soudan a été présentée sous l´emballage plus commode de conflits interethniques ou religieux. Pendant que les compagnies occidentales se déchiraient par populations soudanaises interposées, les Chinois ont investi dans la construction d´un oléoduc, entre la région de production et Port-Soudan, emportant l´adhésion, sans faille, du gouvernement de Khartoum. Les accords de paix de 2005 entérinent la présence chinoise au Soudan.(3)
Pourtant la terre du Darfour est pauvre, désertique sur une partie de son territoire. Pour le sous-sol, c´est une autre histoire. «La première application, écrit Renaud Deleporte, dans l´ère moderne à grande échelle d´une tactique d´anéantissement des forces ennemies, s´est déroulée à Verdun.... Le Darfour subit un paroxysme dans cet anéantissement de civils, au même titre que Verdun avait représenté le paroxysme dans l´anéantissement des bataillons de soldats».
«Pour moi, écrit à juste titre, Marc Lavergne, la guerre au Soudan est une guerre coloniale menée par Khartoum. Une guerre d´exploitation économique. Le Sud est riche de pétrole et les richesses agricoles sont nombreuses dans le pays, longtemps considéré comme le grenier du monde arabe. Les grandes compagnies agro-industrielles du Golfe, saoudiennes, émiraties... pourraient être tentées d´investir dans ces terres, que l´on trouve également dans la province du Darfour. Des dizaines de milliers d´hectares peuvent ainsi être possédées d´un seul tenant. Le général al Nimayri a octroyé nombre de ces surfaces agricoles aux compagnies arabes du Golfe, dans les années 1960. Cette dimension économique est très importante dans le conflit du Darfour, et au Soudan en général.(1)
La découverte d´indices de pétrole ajoute une difficulté supplémentaire avec l´attrait des gisements pour les grandes puissances. On comprend alors pourquoi les Américains et les Britanniques font un forcing pour faire adopter une résolution d´ingérence physique dans un pays indépendant sans l´accord de ce dernier. Ce n´est pas les massacres des populations qui les intéressent, c´est le sol et surtout le sous-sol sur lequel ces damnés de la terre vivent. Il vient que le vote du Conseil de sécurité révèle les véritables protagonistes de la guerre du Darfour. D´un côté, les compagnies pétrolières anglo-saxonnes tentent, par l'ONU interposée, de soustraire le Darfour au pouvoir de Khartoum et à l´influence chinoise. De l´autre, l´alliance sino-russe pousse ses pions pour conserver ses acquis sur le terrain. Le Qatar, qui a, récemment, manifesté son allégeance en achetant du matériel militaire chinois, s´est lié à cette alliance. Du Tchad à la Corne de l´Afrique, le sous-sol promet d´importantes réserves encore inexploitées de pétrole, de gaz naturel, d´uranium, d´or, de cuivre et de bien d´autres matières premières. La Somalie, l´Ethiopie et l´Erythrée sont déjà invitées à s´entretuer pour garantir aux pays occidentaux le contrôle de ces richesses et, à travers elles, de l´économie des pays émergents.
En définitive, que devient cette «force africaine» qui n´est là que pour la forme? Quel a été son rôle? Pourquoi l´Union
africaine ne dit rien contre cette ingérence et qui, de plus, va quitter le Soudan sans gloire? Pourquoi les 9000 hommes installés depuis 2005 n´ont rien fait? Comment peut-on envoyer 17.000 hommes et 3000 policiers alors qu´on n´arrive pas à avoir 7000 hommes pour le Liban, beaucoup plus dangereux que le Darfour, à moins d´une implication financière des compagnies pétrolières occidentales «qui peuvent même se permettre d´avoir de véritables armées de mercenaires pour défendre leurs intérêts, suivant en cela les Etats-Unis qui engagent de plus en plus des mercenaires en Irak avec l´argent irakien pour défendre ses intérêts et exposer le moins possible les GI's, électoralement c´est contre-productif, voire désastreux. Les conflits à venir seront, à n´en point douter, des conflits pour le pétrole ou pour l´eau.
1.Marc Lavergne : Le conflit du Darfour n´est pas racial " vendredi 16 juillet 2004, par Saïd Aït-Hatrit http://www.afrik.com/article7464.html
2.http://web.amnesty.org/report2005/sdn-summary-fra
3.Renaud Delaporte : Le Darfour, Verdun de la guerre de l´énergie. site : htpp//www.alterinfonet.com. 4 septembre 2006.


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