L'instance olympique tient à assumer son rôle d'autorité morale du sport algérien. Le Comité olympique algérien vient de pren-dre la décision de ne plus reconnaître tout organe sportif non élu. Cette décision intervient à la suite de la série de suspensions qui a frappé des responsables de fédérations sportives par le bais du ministère de la Jeunesse et des Sports. La dernière en date serait celle qui touche le président et le bureau fédéral de la FA d'athlétisme, suspension qui serait prononcée en raison de l'absence du président en question, M.Toufik Chaouch Teyara, à la réunion qu'a tenue lundi dernier le ministre de la Jeunesse et des Sports, M.Yahia Guidoum, avec les présidents des fédérations sportives. M.Teyara, que nous avons rencontré, réfute cette raison et indique que la FAA était représentée à cette réunion par un membre du bureau fédéral. Si la suspension du Comité directeur de la FAA venait à se confirmer, elle ferait suite aux sanctions qui ont frappé les fédérations d'escrime, de tennis, d'haltérophilie et, dernièrement, celle de la boxe. On fera remarquer que dans cette liste figurent les deux sports qui ont valu à l'Algérie ses plus grandes satisfactions sportives à l'échelle planétaire en obtenant l'or olympique: l'athlétisme et la boxe. Dans le communiqué transmis à la presse, le COA souligne que «soucieux du respect de la loi algérienne, des dispositions de la charte olympique, des règles d'éthique et de déontologie, il a pris les décisions suivantes: - la non-reconnaissance de tout organe non élu, désigné sous quelque forme que ce soit et particulièrement le «directoire» du fait que la disposition n'existe pas dans la réglementation en vigueur, notamment la loi 04-10 relative à l'éducation sportive et aux sports, ni dans la charte, statuts et règlements de l'olympisme. - le retrait d'adhésion temporaire, à titre conservatoire, de qualité de membre de l'Assemblée générale du COA, à toute fédération dont les organes dirigeants auront fait l'objet de mesures de suspension sans justification de la faute grave telle que définie à l'article 100 de la loi 04-10 relative à l'éducation sportive et aux sports et ce, jusqu'à l'aboutissement définitif de tout recours introduit auprès des juridictions compétentes concernées». Le COA ajoute que «ces décisions ont pour seule motivation le respect, par le COA, des lois algériennes en vigueur et des principes fondamentaux de la charte olympique qui précisent que la formation ou l'expression de la volonté des fédérations nationales ou d'autres entités membres d'un Comité national olympique ou représentées en son sein ne doivent pas être entravées». Il semblerait, donc, que le COA ne veuille plus rester les bras croisés sans réagir devant les coups de semonce d'un ministère qui semble s'être lancé dans une sorte de bataille contre le Mouvement sportif national ou quelques-unes de ses parties. Près d'un mois après son installation à la tête du MJS, il y a de cela un an et demi, M.Yahia Guidoum avait, dans une rencontre avec la presse, indiqué qu'il avait trouvé «un ministère faible devant un mouvement sportif fort». Il ne faisait, alors, plus aucun doute qu'il allait s'atteler à renverser la situation. Les vérités de Kezzal Cependant dans ce processus, on est en droit de se demander si, au moment où il affaiblissait le mouvement sportif, il avait réellement rendu le ministère très fort. Dans ce cas, on pourrait se retrouver un jour avec deux faibles instances dirigeantes du sport. A ce sujet, on se rappelle des propos que nous avait tenus un jour, l'ex-président de la Fédération algérienne de football, M.Omar Kezzal. «Il est faux de parler de tutelle à propos du MJS par rapport à la FAF ou à toute autre fédération sportive, nous avait-il dit. Le terme de partenariat serait plus approprié car tous deux oeu-vrent pour le bien-être de la discipline et sa réussite sur le terrain. La FAF a besoin d'un ministère fort qui élabore la politique sportive qu'il compte mettre en oeuvre en même temps que lui a besoin d'une FAF forte pour qu'elle applique cette politique arrêtée conjointement». Nul ne contestera les compétences de M.Omar Kezzal, l'un des plus hauts cadres du secteur de la Poste (il est à la base de l'introduction en son sein du système informatique), trois fois élu à la présidence de la FAF et sous la direction duquel le football algérien a remporté une CAN, une Coupe afro-asiatique des nations, une Coupe d'Afrique des clubs champions et une Coupe afro-asiatique des clubs. Selon les textes légaux du pays, une fédération sportive est avant tout une association qui active selon les dispositions d'une loi de portée générale, la loi 90-31 relative aux associations et une loi spécifique, la loi 04-10 relative à l'éducation sportive et aux sports. La première, qui a la prééminence, indique que l'organe de souveraineté d'une association est son Assemblée générale. Par voie de conséquence il n'y a que celle-ci à pouvoir juger et sanctionner ceux qu'elle a élus. C'est qu'il y a cette notion sur laquelle il faut bien insister. Un président de fédération est un élu qui n'a à répondre qu'à l'AG qui lui a accordé sa confiance. La Constitution du pays consacre le mouvement associatif. En son article 41 la loi fondamentale du pays stipule que «les libertés d'expression, d'association et de réunion sont garanties au citoyen». L'article 43 indique, lui, que «l'Etat encourage l'épanouissement du mouvement associatif». Un élu n'est pas un employé La Constitution en fait, donc, le parfait partenaire, le pilier sur lequel les pouvoirs publics peuvent s'appuyer. Il est vrai que ces pouvoirs publics subventionnent ces associations. Ils sont, alors, en droit de les contrôler sur l'utilisation de ces fonds. En dehors de cela, ils ne peuvent s'immiscer dans le travail de ces associations à plus forte raison lorsqu'il s'agit d'une fédération sportive. Lorsqu'il prend des mesures de suspension à l'égard d'une structure dirigeante d'une fédération sportive, le MJS fait référence à l'article 100 de la loi 04-10 sur le sport. Ledit article stipule que «...en cas de faute grave engageant la responsabilité des fédérations... ainsi que de leurs dirigeants, le ministre chargé des Sports peut prononcer les ou certaines mesures disciplinaires et/ou conservatoires...» A notre humble avis, le MJS aurait dû, d'abord, définir et déterminer la «faute grave» avant de prononcer une suspension en faisant référence à cette «faute grave». Pour exemple, est-ce que le fait de ne pas assister à une réunion présidée par le ministre constitue une «faute grave»? Ceci dit, on a appris que certains présidents de fédérations sportives qui ont été suspendus ont saisi le Conseil d'Etat comme voie de recours. Parmi eux, ceux de l'escrime, du tennis et de la boxe. Les deux premières disciplines ont déjà procédé à l'élection d'un nouveau président et d'un bureau fédéral. Il y a là comme de la précipitation car c'est préjuger de ce que va décider le Conseil d'Etat. En effet, supposons que ce dernier donne raison aux présidents suspendus, ceux-ci pourraient vouloir réoccuper les locaux de leur fédération respective en ayant force de loi. On imagine la situation cocasse dans laquelle on se retrouverait avec deux présidents élus. En outre, il faut bien comprendre qu'un président de fédération sportive est un élu et un bénévole. Ce n'est pas un employé du MJS que l'on peut sanctionner pour avoir raté une journée de travail ou pour n'être pas venu à une réunion (si tant est que c'est la raison que l'on veut invoquer pour sanctionner le président de la FAA). Au moment de celle-ci, il pouvait avoir d'autres obligations. S'il veut imposer son point de vue, le MJS gagnerait à «fonctionnariser» tout le mouvement sportif national. Il n'aurait plus ainsi affaire à des élus mais à des employés soumis à un règlement intérieur et sanctionnables s'ils venaient à ne pas le respecter. La radiation à vie d'un Lamine Ouahab, le meilleur tennisman algérien de l'histoire de ce sport, la suspension d'un Amar Brahmia, l'entraîneur qui a obtenu les meilleurs résultats algériens en athlétisme à l'échelle internationale, la révocation de certains présidents de fédérations sportives parmi elles celles qui ont ramené de l'or olympique au pays, sont-elles porteuses de lueurs d'espoir au sport algérien? Ceux qui en sont convaincus se disent sûrs de leur affaire. L'histoire nous dira et nous montrera qui était réellement dans le vrai.