Révélé par le séisme, survenu le 8 septembre dernier, l'état d'extrême pauvreté d'une partie importante de la population marocaine n'est pas la seule découverte des médias internationaux. Ce royaume est également traversé par une contestation populaire permanente. Fortement réprimée par les forces de répression du Makhzen, les nombreuses manifestations contre la hausse vertigineuse des prix, mais également pour dénoncer la normalisation avec Israël, ne trouvent pas d'échos dans les médias marocains et occidentaux. Pourtant que ce soit pour le premier motif de contestation, comme pour le second, la société marocaine n'a eu de cesse de crier sa désapprobation de la conduite des décideurs. La misère, voire des conditions de vie moyenâgeuse, sans gaz, sans électricité et parfois même sans toilettes dans beaucoup de campagnes, constitue le quotidien du quart de la population. La mal-vie, révélée par le séisme n'est pas circonscrite dans les centaines de Dechra qui ne disposent même pas de pistes. Même les grandes villes, à l'image de Rabat ou Casablanca, sont ceinturées par de gigantesques bidonvilles. Des dizaines de milliers de familles marocaines vivent dans des taudis. Partagés entre la prostitution, le trafic de drogue et les métiers de la misère, les jeunes de ce pays vivent aussi sous la menace permanente d'une justice à la main très lourde. Les Marocains ont encore en souvenir des condamnations de plus de 20 ans de prison à l'encontre de leader du Hirak Rifain, dont l'épicentre est la ville d'El Hoceima. Les jeunes avaient investi la rue à l'appui de revendications sociales. Mais la réaction du Makhzen qui était d'une férocité sans pareille a maté la révolte sociale et tracé les lignes rouges que de plus en plus de jeunes hésitent de moins en moins à enfreindre. Les observateurs de la scène marocaine mettent en évidence l'émergence d'une nouvelle génération qui semble prête à affronter le courroux de Rabat et le réveil du sentiment républicain dans la région du Rif n'est pas étranger à la nouvelle donne sociopolitique qui fait sérieusement tanguer le royaume. En effet, la chaudron marocain est à un stade d'ébullition critique et le comportement récent du roi Mohammed VI qui a, à peine esquissé un petit geste de compassion, ne s'est pas adressé à son peuple et encore moins, obligé son administration à avoir une attitude moins makhzenienne. Outre le refus de l'aide internationale qui a sans doute coûté la vie à des centaines de personnes qui auraient pu être sauvées par des interventions rapides, le Maroc a refusé aux familles l'enterrement des victimes sous des prétextes bureaucratiques. La terreur du Makhzen a succédé à celle du tremblement de terre, poussant une population démunie jusqu'à ses derniers retranchements. Les Marocains qui sont encore nombreux à n'avoir rien reçu de l'aide apportée par les quatre pays invités par Rabat, sont «vent debout» contre les interventions humanitaires clandestines d'Israël. Le pari du roi tient au fait que les victimes ne sauront refuser l'aide des Israéliens qui finiront pas se faire adopter. Mais les Marocains se demandent pourquoi accepter le sioniste et rejeter les aides de très nombreux pays musulmans, mais également chérifiens. Les calculs politiciens du roi exacerbent au Maroc. Lequel n'en a certainement pas fini avec les soubresauS sociaux. Et pour cause, la plaie du séisme s'ajoute à celle de la répression féroce du Hirak du Rif et de l'abandon de populations entières à la misère, au point où Marrakech, la «perle» du sud marocain est décrite dans des dizaines de reportage comme un repaire de drogués et de pédophiles. Face à ces fléaux, le Makhzen préfère la méthode de la «poussière sous le tapis», en achetant les consciences de députés européens. Près de trois semaines après le terrible drame qui a fait près de 3000 morts, le Maroc officiel donne l'impression de ne pas savoir quoi faire ou de s'en désintéresser totalement. La zone sinistrée s'enfonce dans son dénuement, sans qu'aucun programme de construction ne soit annoncé. Il semble que Rabat entend, encore une fois mettre la poussière sous le tapis. La colère gronde certes, mais les calculs du Makhzen veulent que jusqu'à un certain niveau de tension, c'est gérable. Sauf que, cette fois, la coupe est vraiment pleine.