Londres fait la distinction entre les terroristes fichés d'Al-Qaîda et les islamistes algériens. Le ministre d'Etat, ministre de la Justice, M.Ahmed Ouyahia entame, depuis hier, une visite officielle en Grande-Bretagne, au cours de laquelle il aura des entretiens avec son homologue britannique, M.Jack Straw, indique un communiqué du ministère de la Justice. Cette visite s'inscrit dans le cadre de la coopération judiciaire et juridique entre les deux pays. La première visite de Ouyahia, en tant que ministre de la Justice en Europe est considérée comme délicate, sensible. Les deux pays partagent presque les mêmes soucis relatifs au dossier coopération judiciaire dans le cadre de la lutte antiterroriste, mais demeurent néanmoins partagés sur les dossiers des réfugiés et des terroristes recherchés par la justice algérienne. Pourquoi Londres? Vraisemblablement, Ouyahia suit les traces menant droit aux têtes pensantes de l'islamisme algérien, avec la conviction d'obtenir la collaboration de Londres. La visite du diplomate britannique Bradshaw à Alger, juste après les attentats du 11 septembre, a classé la Grande-Bretagne comme le premier pays européen à afficher sa disponibilité à livrer les terroristes recherchés par la justice algérienne. «Nous allons intensifier qualitativement notre coopération judiciaire avec l'Algérie», a-t-il alors déclaré. Cette déclaration apaisante ne résout pas tout à fait les contrariétés de la partie algérienne, qui ne partage pas la même vision que Londres. Celui-ci tient encore à faire la distinction entre les terroristes fichés dans le cadre des enquêtes internationales contre les réseaux d'Al-Qaîda et ceux bénéficiant de l'asile politique sur ses terres. Ces réfugiés sont recherchés et considérés par la justice algérienne comme étant à l'origine des bases du terrorisme en Algérie. C'est sans doute là où réside la difficulté de la mission d'Ahmed Ouyahia. Il s'agit bien entendu du dossier des ex-dirigeants politiques de l'ex-FIS cités dans les enquêtes sur les réseaux islamistes algériens entre 1992 et 1997. Plusieurs de ces réfugiés sont jugés et condamnés par contumace à la peine capitale. Il s'agit de Bounoua Boudjemaâ alias Abdullah Abou Anas, ancien activiste du parti dissous et gendre du guide spirituel des Arabes afghans Abdellah Azzam, qui avait été l'un des maîtres de Ben Laden. La liste algérienne pourrait comprendre également Qamredine Kherbane et Mohamed Dnidni, principales têtes de pont des «afghans algériens» à Londres. Dnidni s'occupe d'une association qui prend en charge les anciens de l'ex-FIS débarquant en Grande-Bretagne. La deuxième catégorie qu'aurait à traiter Ouyahia avec Straw est relative à celle des anciens du Burkina Faso. Selon les dernières informations, ces «expulsés» ont tous paradoxalement rejoint l'Angleterre depuis Ouagadougou. Sachant qu'ils étaient extradés vers le Burkina Faso par les autorités françaises. Moussa Kraouche, Djaâfar Al-Houari, recherché pour l'attentat de l'aéroport d'Alger en 1992 et aussi le célèbre avocat Ahmed Si Mozrag, connu comme étant le principal intermédiaire dans l'affaire des fonds octroyés par l'Iran à Abassi Madani, le numéro un de l'ex-FIS. Ces deux catégories de personnes, recherchées par la justice algérienne, représenteront la substance principale de la mission Ouyahia à Londres et ce, outre l'étude avec les Britanniques d'une convention d'extradition. La troisième catégorie est relative aux éléments du GIA et du Gspc qui alimentent leurs groupes à partir de Londres. Bien que les têtes ne soient pas connues, ces terroristes intéressent davantage Londres qu'Alger qui devrait fournir des renseignements sur leur passé terroriste. Par ailleurs, la visite du ministre de la Justice constituera certainement une opportunité pour permettre à Ouyahia de discuter du dossier du jeune pilote Lotfi Raïssi, soupçonné d'avoir des liens avec les auteurs de l'attentat du 11 septembre. Des sources affirment que les sollicitations de la mère de Raïssi ont été entendues par les officiels algériens, d'autant que ce jeune pilote n'a aucun précédent judiciaire en Algérie.