Une semaine de détention, deux, trois et puis vingt semaines. La justice britannique n'a pas pu attendre plus longtemps les preuves du FBI inculpant Raïssi, car inexistantes. Un juge britannique a ordonné hier la remise en liberté conditionnelle du pilote algérien, Lotfi Raïssi, soupçonné par les Etats-Unis d'implication dans la préparation des attentats du 11 septembre. Le juge Timothy Workman a ordonné la remise en liberté de M.Raïssi, détenu depuis le 21 septembre, jugeant que les charges retenues contre lui étaient insuffisantes pour justifier son maintien en prison. Il a été remis en liberté provisoire jusqu'au 28 mars. La famille du pilote de ligne devra déposer une caution de 10.000 livres (16.000 euros) et lui même devra soumettre son passeport aux autorités judiciaires. Cette décision constitue un revers pour les autorités américaines qui estiment que Lotfi Raïssi, 27 ans, pourrait disparaître dans la nature en cas de remise en liberté. Ces dernières réclament l'extradition de Raïssi, qu'elles soupçonnent d'avoir dispensé des cours de pilotage à l'un des auteurs des attentats du 11 septembre. Mais les seules charges officiellement retenues à ce jour contre lui sont celles d'avoir menti dans ses déclarations pour obtenir un brevet de pilote américain. La décision du juge Timothy Workman n'est pas du tout le fruit du hasard. C'est d'abord le quotidien L'Expression, sous la plume de son directeur Ahmed Fattani, qui a attiré l'attention de l'opinion publique sur le cas Raïssi. La mère de ce dernier avait demandé à M.Fattani, à Alger, de dénoncer la justice à deux vitesses concernant certains Algériens soupçonnés d'appartenir au réseau d'Al-Qaîda. Au lendemain de la parution de l'éditorial de L'Expression, les autorités algériennes ont saisi, par le canal de l'ambassade à Londres, la justice britannique sur ce cas «spécifique» et entrepris, par ailleurs, des contacts avec la famille Raïssi. Hormis le fait que la justice britannique n'a pas été convaincue par les arguments américains chargeant le jeune pilote algérien, il semble que l'intervention du ministre de la Justice, Ahmed Ouyahia, auprès de l'autorité judiciaire de la Grande-Bretagne, lors de sa dernière visite à Londres, a porté ses fruits. En effet, le dossier de Lotfi Raïssi figurait parmi ceux abordés par Ouyahia et son homologue britannique. L'initiative de Ouyahia a, par ailleurs, été complétée par des contacts des membres de la représentation diplomatique algérienne à Londres avec Raïssi dans la prison de Bel Marsh. Apparemment convaincus de son innocence, les diplomates algériens ont adressé une lettre au ministre britannique de l'Intérieur lui demandant de ne pas céder aux pressions des Américains et exigeant une neutralité de la part de la justice britannique. Ces interventions, jugées très positives, viennent en réponse aux appels de la famille du jeune pilote, qui n'a jamais cessé de clamer l'innocence de son fils. Sa mère s'est déplacée jusqu'à Alger pour demander l'intervention des autorités algériennes en faveur de son fils. Les vingt semaines de détention par la justice britannique dépassent de loin les normes légales de la garde à vue. Cela étant, la justice britannique ne pouvait prolonger davantage la détention de Raïssi plus que la durée légale, en l'absence d'éléments nouveaux justifiant la prolongation de la détention temporaire. De fait, les Britanniques avaient, à maintes reprises, demandé à l'Administration américaine d'avancer ses preuves contre Raïssi justifiant son extradition vers les USA. Depuis le 21 septembre, le FBI n'a pas été en mesure de certifier ses soupçons contre le jeune pilote. L'attente de la justice britannique n'avait que trop duré, entraînant une polémique médiatique et politique à l'égard des Américains. Une polémique qui s'est montrée virulente envers les Américains. Selon des sources judiciaires algériennes, le calvaire de Raïssi ne devra plus continuer au-delà de la prochaine comparution. Les mêmes sources indiquent que si le FBI disposait d'assez de preuve contre Raïssi, vingt semaines auraient été largement suffisantes pour le démontrer. Ce qui conforte les thèses de nos sources, ce sont les récentes déclarations d'un responsable du FBI qui, durant son séjour en Angleterre, avait annoncé que le Federal bureau of investigation classe Raïssi dans la catégorie des «peut-être oui, peut-être non».