Ballotté entre pro-occidentaux et pro-iraniens, le Liban tente de trouver la ligne qui assure sa souveraineté. Le Liban sur le territoire duquel se trouve une force étrangère, chaque jour un peu plus renforcée, n'est pas totalement souverain, du fait aussi de l'existence d'un parti politique armé, le Hezbollah, qui détient une partie sinon la réalité du pouvoir. Dès lors, le Hezbollah, sorti grandi de la guerre imposée par Israël, est devenu incontournable dans l'échiquier politique libanais, et son désarmement ne peut être que l'aboutissement d'un accord national et non pas une imposition, même si la résolution 1701 du 11 août, qui a mis fin à la guerre, évoque le désarmement du Hezbollah comme l'une des conditions du retour à la normale. Certes, mais comment désarmer la résistance libanaise, bras armé du Hezbollah, si ce désarmement n'entre pas en compte avec la reconfiguration du pouvoir à Beyrouth? C'est de fait la question nodale qui se pose aujourd'hui au Liban, car le désarmement d'une faction armée, sans que ne soit résolu le problème primordial de l'occupation de territoires arabes par Israël, cause essentielle de la résistance arabe, c'est, un peu, sauter dans l'inconnu en ajournant un problème qui conditionne en fait le devenir de toute la région proche-orientale et pas seulement le Liban. Le gouvernement Siniora, fort du soutien de l'Occident, semble mettre la charrue avant les boeufs lorsqu'il affirme qu'il va «confisquer» les armes du Hezbollah. On se demande bien comment, si le mouvement islamiste n'y souscrit pas de son propre gré? Le Premier ministre libanais, Fouad Siniora, a ainsi réaffirmé sa volonté de désarmer le parti de Dieu, en indiquant que «les pièces d'armement seront confisquées», dans un récent entretien à Radio Canada. Mais se pose la question de savoir qui va «confisquer» les armes du Hezbollah? Conscient sans doute de l'énormité de la tâche, M.Siniora a aussitôt nuancé son propos indiquant: «Si on est trop brusque, si on réagit trop vite, ce n'est pas bon, alors allons-y doucement mais avec détermination». M.Siniora a également dit: «Nous voulons que l'Etat s'impose» Certes! Mais certainement pas par la force, car le retour au premier plan de l'Etat libanais demande le consensus de toutes les parties et forces libanaises. D'autant plus que M.Siniora semble plus compter sur le soutien occidental pour imposer la prééminence de l'Etat que sur l'entente entre tous les fils du Liban. De fait, le chef du gouvernement libanais ne semble pas avoir mesuré toutes les conséquences des déclarations qui, loin d'apaiser la situation, ne feront que crisper davantage des relations déjà très tendues entre les deux parties. D'autant plus que la visite de M.Blair n'avait guère arrangé les choses. De fait, le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, outré par la visite au Liban, du Premier ministre britannique, Tony Blair, à l'invite de Fouad Siniora, a exigé la semaine dernière la démission de ce dernier et de son gouvernement, qui se seraient «compromis», à ses yeux, avec l'un des ennemis du peuple libanais, M.Blair qui, à l'instar du président américain George W.Bush, a refusé que l'ONU impose le cessez-le-feu au moment où Israël déversait des tonnes de bombes sur le Liban. Alors que les relations n'étaient déjà pas sereines entre le groupe pro-occidental libanais et le Hezbollah, les dernières déclarations de ses représentants, notamment Walid Joumblatt, n'ont pas été du goût de cheikh Nasrallah qui a violemment critiqué le gouvernement de Siniora, lui reprochant sa soumission à l'Occident. Dans une déclaration, la semaine dernière, à la chaîne satellitaire Al-Jazeera, Hassan Nasrallah a fait part de ses griefs à l'encontre de Siniora et son cabinet indiquant: «La première erreur commise par le Premier ministre et les forces politiques qui lui sont favorables, est qu'ils se sont comportés d'une manière immorale et inhumaine à l'égard (...) des gens qui ont été tués, blessés, détruits et déplacés durant la guerre» et affirme d'autre part, qu'il y a une «tentative délibérée d'humilier, de nuire, de poignarder et de provoquer», le Hezbollah et sa base populaire. Mais c'est la venue de Tony Blair qui a exaspéré le patron du Hezbollah qui a déclaré: «Si Tony Blair a été invité pour visiter le Liban, ce serait un désastre national. S'il a demandé à venir au Liban -car je n'en suis pas encore sûr- et sa demande a été acceptée, cela constituerait une humiliation nationale et un comportement irresponsable». Sur sa lancée, le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah a, à son tour, fait dans l'outrance en accusant «d'intelligence avec Israël» le groupe de la majorité parlementaire qui veut se réapproprier le pouvoir avec le soutien actif de l'Occident, notamment la France, sur laquelle Siniora et ses partisans fondent leurs espoirs. Mais, le Liban peut-il à ce point se tromper de priorité? Désarmer le Hezbollah est inéluctable, certes, mais cette issue ne saurait se faire au détriment de la sécurité du pays du Cèdre alors qu'une parcelle de son territoire, les Fermes de Chebaa, sont toujours occupées par Israël. Aussi, seul le retrait total d'Israël donnera au Hezbollah des raisons de désarmer, mais pas le contraire. Ce que semble, d'ailleurs, indiquer indirectement le parti de Dieu lorsque l'un de ses responsables affirme que le Hezbollah «n'aura pas de problème avec la Finul (force internationale de l'ONU)» si celle-ci s'en tient à sa mission de «protéger» le Liban. «Nous voulons que la nouvelle Finul fasse son travail conformément à la résolution 1701 de l'ONU. Israël cherche à faire jouer à cette force un nouveau rôle, en d'autres termes, à la placer sous son contrôle» a indiqué ce responsable, soulignant: «La Finul est là pour protéger les Libanais et la souveraineté libanaise, et nous voulons que son mandat se limite à cela». C'est dire que rien ne semble devoir se faire sans le Hezbollah, et encore moins contre lui. C'est sans doute cela le dilemme d'un Liban à la recherche de sa souveraineté.