Dans ce bras de fer, les partisans du dialogue avec le pouvoir prennent le dessus sur leurs adversaires. Le retour de Rabah Kebir en Algérie a eu pour effet de replonger la mouvance islamiste radicale dans les contradictions que sont les siennes à la veille de la dissolution de l'ex-FIS. Le désormais ancien exilé d'Allemagne, vraisemblablement porte-parole d'un courant qui prône une rationalité dans le discours politique, a eu sa première «prise de bec» par presse interposée avec le porte-flambeau de la version ultraradicale du Fis dissous, à savoir Ali Benhadj. Ce dernier qui, jusque-là, tenait la vedette auprès de l'opinion de la mouvance islamiste radicale, a été contredit par Rabah Kebir qui, sitôt arrivé au pays, a imprimé un nouveau style dans le discours de cette mouvance en y mettant un accent beaucoup plus politique, qui entrevoit des solutions, acceptables par le pouvoir, de ce que le courant islamiste qualifie de crise. En abordant le chapitre du retour à l'exercice politique, Rabah Kebir affiche une «ouverture d'esprit» à même d'entrevoir une issue médiane au conflit qui oppose son parti au pouvoir. Acceptant le principe d'une «réflexion» sur le devenir de la mouvance qu'il représente, le dirigeant du parti dissous à l'étranger n'écarte pas l'introduction d'un sang neuf dans les rouages de la formation islamiste, voire une version «très soft» de l'ex-FIS. Une probabilité que rejette totalement le courant radicale qui insiste sur la reconduction de toute la direction du parti dissous et le maintien de la ligne imprimé à l'ex-FIS dès sa création, en 1989. Les tenants de cette thèse conditionnent le succès de la démarche réconciliatrice du président de la République par un retour à la situation d'avant les élections législatives avortées du 26 décembre 1991. Et c'est dans cette optique que leur condamnation de la violence terroriste du Gspc n'a jamais été claire. Des faux-fuyants, voire des déclarations, à la limite de la légalité, sont proférées par les représentants de ce courant lorsqu'il est question des activités des terroristes islamistes.Le rejet clair et net de la réconciliation nationale exprimé par Ali Benhadj témoigne des intentions des radicaux de l'ex-Fis qui, après plus d'une dizaine d'années de violence, persistent à dire que seul l'établissement d'un Etat théocratique est la solution à la crise algérienne. Dans ce bras de fer qui a été mis en sourdine par les uns et les autres, force est de constater que les partisans du dialogue avec le pouvoir prennent le dessus sur leurs adversaires, ces derniers, donnant la nette impression d'être en décalage total avec la réalité, tant au niveau national qu'international. En effet, la tendance lourde sur les deux plans donne la primauté au politique. L'action islamiste armée est décriée partout dans le monde et le Gspc n'est considéré que par Al Qaîda de Oussama Ben Laden, comme une organisation de résistance. Rabah Kebir qui a pris le soin de prendre ses distances avec «la multinationale du terrorisme», appelant les terroristes du Gspc à déposer les armes, marque clairement sa préférence pour une action strictement politique pour la sortie de crise. Mieux, ce leader de l'ex-Fis à l'étranger n'évoque plus la question du «qui tue qui?» et encore moins le contrat de Rome, dont une partie a déjà été prise en charge dans la politique de réconciliation nationale. Il va de soi que la fissure au sein du parti dissous qui éclate au grand jour a toutes les chances de s'agrandir au fur et à mesure que les deux courants avancent dans l'exposé de leurs idées. Cette contradiction majeure dans les rangs de la mouvance islamiste radicale aura pour effet d'amoindrir l'impact sur l'opinion nationale des deux adversaires. Ainsi, le mastodonte politique qu'était l'ex-FIS se réduira à la simple expression d'une formation politique algérienne banale.