L'opinion nationale attend des éclaircissements sur la nature exacte de l'engagement souhaité pour Rabah Kebir. Les dirigeants de l'ex-FIS ont-ils été «blanchis» par le pouvoir politique au point de leur ouvrir les portes de la représentation populaire? Y a-t-il eu un deal entre le groupe conduit par Rabah Kebir et des cercles influents au sein de l'establishment? Allons-nous vivre un scénario politique, même, il a tous les ingrédients du déjà-vu? Toutes ces questions et bien d'autres interpellent les observateurs de la scène nationale après l'étonnante déclaration de Abdelaziz Belkhadem sur le droit de Rabah Kebir de prétendre à un poste électif dans le cadre d'une liste indépendante. Le secrétaire général du FLN, qui a reçu l'ancien dirigeant de l'instance exécutive du parti dissous à l'étranger, a, rappelons-le, reconnu à Rabah Kebir le droit de se présenter aux prochaines élections législatives. Une aussi importante déclaration mériterait plus d'éclaircissements, surtout qu'elle émane d'un responsable politique qui exerce la double fonction de secrétaire général du parti au pouvoir et de chef de gouvernement. En effet, l'opinion nationale aurait été «mieux informée» sur les propos du n°1 du FLN si ce dernier avait précisé la nature exacte de l'engagement souhaité pour Rabah Kebir sur la scène nationale. Le pouvoir lui accorde-t-il une simple direction d'une liste électorale, histoire de faire représenter la mouvance islamiste radicale au Parlement, ou bien, ira-t-il jusqu'à lui donner l'opportunité de parrainer un large mouvement de «listes indépendantes» réparties sur tout le territoire nationale? Ce qui ne diffère pas du tout du voeu des islamistes de l'ex-Fis de voir leur formation réhabilitée d'une manière ou d'une autre. Et pour cause, le propre d'un parti politique est de participer aux élections pour les gagner. Un mouvement islamiste «indépendant» conviendrait parfaitement à Rabah Kebir qui «chaperonnera» un «FIS new look» sans avoir à passer le difficile test d'un congrès. Cette option, si elle venait à se confirmer sur le terrain, serait très semblable à la gestion que fait l'Etat égyptien de l'islamisme radical. Les Frères musulmans qui ne sont pas organisés en formation politique, participent aux élections dans ce pays sous l'étiquette d'«indépendants». La solution à l'égyptienne serait-elle envisagée pour contrôler la mouvance intégriste algérienne? Il est encore prématuré de répondre à cette question en l'absence d'informations précises sur les intentions du pouvoir et du groupe conduit par Rabah Kebir. En tout état de cause, il est clair que l'on n'en est pas encore là, mais la seule affirmation du droit à des personnages comme Kebir et consorts à retourner à la vie politique active, appelle beaucoup d'interrogations, surtout lorsqu'on a encore en mémoire les déclarations du chef de l'Etat sur cette question précisément. Bouteflika avait, faut-il le rappeler, clairement dénié aux dirigeants «historiques» du parti dissous de prétendre à un quelconque poste électif. La Charte pour la paix et la réconciliation nationale a confirmé cet état de fait. Mais force est de constater qu'entre-temps de l'eau a coulé sous les ponts et une partie des partisans de la réconciliation nationale avance, un à un, des arguments allant dans le sens d'une sorte d'amnistie politique au profit d'une catégorie précise de personnages ayant gravité autour ou au sein même de la mouvance intégriste radicale. Une forme de décantation, dont on ne peut prévoir ce qu'il en sortira sur les fragiles équilibres qui ont cours actuellement au sein de l'Alliance présidentielle. Et pour cause, alors que Boudjerra Soltani et Abdelaziz Belkhadem poussent dans le sens de la «domestication» de la tendance radicale du mouvement islamiste, Ahmed Ouyahia refuse même de recevoir Rabah Kebir, annonçant, de fait, une divergence de fond entre les alliés au pouvoir. Une alliance qui, à quelques jours de la présidence RND, montre clairement ses contradictions dans un contexte de retour de l'activité terroriste. Politique et violence sont traditionnellement liées dans ce pays, l'on ne peut donc pas ne pas s'interroger sur la coïncidence entre l'activisme de Kebir et la recrudescence de la violence terroriste ces derniers jours. Qui contrôle qui et qui veut saboter l'action de qui? Ce sont là autant de mystères. Mais le fait est que les deux actions, politique et terroriste, ne sont pas étrangères l'une à l'autre. Enfin, les propos du chef du gouvernement sur l'éligibilité des islamistes radicaux ouvrent la voie à un nouveau débat qui a toutes les chances d'être houleux en cette année électorale 2007.