«Le congrès du CC-FIS est un plébiscite du GIA.» L'atomisation des derniers conglomérats de la nébuleuse islamiste risque de multiplier la violence des groupes armés par dix. La tenue, à Bruxelles, du minicongrès du CC-FIS continue à faire des vagues. En procédant à la destitution des leaders issus du congrès de Batna et des représentations de l'ex-FIS datant de 1991, les initiateurs de ce congrès ont surtout voulu écarter Rabah Kebir, le porte-parole et président de l'instance exécutive du FIS à l'étranger, de toute représentation légale. De son côté, Rabah Kebir qualifie ce congrès de «nul et non avenu» et qui ne peut représenter que ses initiateurs. Se réclamant de la légitimité de 1991 et du congrès de Batna, Kebir tourne définitivement le dos au groupe de Mourad D'hina. Dans ce bras de fer, qui se répercutera sur le terrain en termes d'exacerbation de la violence armée, il y a lieu, peut-être, d'y voir un prolongement politique de la guerre que se sont livrée dans les maquis GIA et AIS à partir de 1994. C'est ce qu'affirme en propos forts celui qui se présente comme l'un des artisans de la trêve de l'AIS. «Ce congrès - si l'on ose le qualifier de congrès - représente les idées d'un courant bien déterminé. C'est, en fait, un courant suspect, douteux, et qui n'a jamais caché ses préférences pour le GIA. Ce courant connu pour son discours radical, a essayé auparavant de faire main basse sur le FIS par le biais du GIA, puis par l'intermédiaire du CC-FIS, et voilà qu'aujourd'hui, il revient à la charge à la faveur d'un congrès clandestin qui brille par ses contours sournois et douteux.» Voilà, jeté en un seul bloc, le premier commentaire du président de l'instance exécutive du FIS à l'étranger, et dont le poids reste, tout de même, important, eu égard à ses accointances fortes avec les chefs militaires de l'AIS, et principalement le groupe de l'Est (Mezrag, son frère Mustapha et les chefs d'ex-groupes armés de Constantine). Kebir ajoute qu'un congrès digne de ce nom «est le fait de sa direction légitime et élue, non d'exilés en Europe qui essayent de se repositionner». De fait, «cette tentative d'OPA est vouée à l'échec, car elle n'est ni représentative des idées du FIS ni approuvée par l'ensemble de la direction d'Alger». En conséquence, «les résultats du congrès sont refusés, réfutés, nuls et n'engagent que leurs initiateurs», car un congrès du FIS est beaucoup plus grand que ce conclave improvisé par un «groupe d'usurpateurs.» Il faut s'attendre, de ce fait, à une lutte acharnée dont l'enjeu reste la mouvance islamiste, placée par le pouvoir, depuis le 4 mars 1992, à l'ère de son activité légale. Le groupe de Mourad Dhina, fort certainement du soutien de tous les islamistes radicaux installés en Europe et, certainement, de certains services spéciaux qui ont facilité, ou au moins fermé l'oeil sur la tenue de ce congrès, ne va pas en rester là, et va se baser, désormais, sur cet antécédent pour s'exprimer au nom du parti. Le groupe Kebir, appuyé, en dernière minute et de façon tout à fait inattendue par la direction d'Alger, s'appuie, lui, sur la légitimité pour balayer d'un revers de la main les résultats des «congressistes clandestins». Dans un cas comme dans l'autre, c'est Ali Benhadj - lequel n'a pas encore dit un mot sur cette «lutte des frères ennemis» - qui a le dernier mot. Le numéro un du FIS, Abassi Madani, en prenant position en faveur du CC-FIS, se met, lui, en position inconfortable. Et tout ce patchwork de positionnements remet, brusquement, le FIS à l'ordre du jour. Au moment où les groupes armés du GIA sont en train de subir des revers cuisants.