Les mesures additives porteront principalement sur des omissions, des rajouts, des renforcements de textes et des correctifs. Après les dernières rentrées en Algérie des dirigeants du parti dissous, en exil politique depuis près de quinze années, un premier bilan est sur le point d'être communiqué par les autorités, a-t-on appris de source proche de la Commission nationale de suivi de l'application de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale. Avec près de 41.000 familles éprouvées par la tragédie nationale qui ont souscrit aux indemnisations, des centaines de dossiers d'islamistes déposés dans les consulats d'Algérie en Europe (on estime à un millier les dossiers des islamistes vivant dans quinze pays d'Europe et qui attendent d'être traités, et seulement une cinquantaine a pu recevoir une réponse positive les deux dernières semaines), des centaines de dossiers de disparus solutionnés, entre 250 et 300 terroristes repentis (chiffre communiqué par le ministre de l'Intérieur, Noureddine Yazid Zerhouni) et le retour très médiatisé de Rabah Kebir, Abdelkrim Ould Adda et Abdelkrim Ghemati, les autorités peuvent se sentir plus ou moins soulagés de pouvoir présenter un bilan qui se dirigeait tout droit vers l'échec, il y a à peine un mois. Comme à la parade, les autorités avaient même permis à Ali Benhadj, sous le coup des «dix interdits», de faire de longues harangues décapantes aussi bien sur le parvis de l'aéroport, devant un parterre impressionnant de journalistes nationaux et internationaux, qu'à Bouzaréah, avant et après la conférence-débat donnée par Kebir aux médias. Bien sûr, les autorités ont tout le droit de donner un premier bilan positif, même si certains détails prêtent à polémique, et le président de la République lui-même pourra, sans sourciller, encenser son projet politico-sécuritaire et passer à la seconde étape des mesures additives pour renforcer sa Charte et faire en sorte qu'elle s'inscrive dans le temps, en durant le plus longtemps possible, et soutenir qu'un tel processus est fait pour ramener des résultats sur le moyen et le long terme. Il y a moins d'un mois, un membre de la Commission de suivi de la Charte, nous confiait «le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, prendra les mesures qu'il jugera opportunes pour apporter les correctifs nécessaires à la réconciliation nationale, en vertu de ses droits constitutionnels et du mandat que lui a conféré le plébiscite populaire du 29 septembre 2005». Les mesures additives porteront principalement sur des omissions, des rajouts, des renforcements de textes et des correctifs. Dans ce chapitre, on notera que la prise en charge des veuves et des enfants mineurs victimes de faits ayant trait à la tragédie nationale sera assurée, de même que les femmes victimes de viol, à condition que le viol ait trait au terrorisme, la réinsertion du travailleur licencié ou, si le poste est jugé encore sensible, l'indemnisation du travailleur non repris, la non- indemnisation des biens personnels endommagés par des actes liés à la violence terroriste, la possibilité de relogement des repentis et de leurs familles, etc. Concernant la rallonge accordée aux groupes armés pour se rendre, le débat ne fait pas consensus et le président laissera certainement «ouvert» ce volet. Le ministre de l'Intérieur, Zerhouni, l'a déjà laissé entendre: «On ne peut pas dire à un repenti, il est trop tard pour le faire». De ce fait, le FLN et le MSP, principaux alliés du président pour la réconciliation, semblent en train de préparer le terrain à d'éventuelles «retouches» aux fins d'attirer plus d'islamistes concernés par la Charte. Ces deux partis parlent, depuis deux mois déjà, de la possibilité de prolonger les délais fixés afin de permettre à d'autres terroristes de quitter les maquis, et suggèrent que, de la sorte, la réconciliation aura de meilleurs effets. Le délai de grâce, accordé aux différents groupes armés, a été clos le 28 août, mais peut-être reconduit pour une autre durée limitée, si le président juge que certaines voies de recours pourront être exploitées pour inciter les terroristes à quitter les maquis. Jouant «temps mort» de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, le président de la République fait avancer son projet de manière remarquable, et on comprend, dès lors, son silence et sa volonté de faire réussir son projet, avant d'en faire un premier bilan. Le retour des leaders islamistes de l'étranger et auxquels le président de la République tenait de manière très particulière, restait jusqu'alors un des points les plus obscurs de cette réconciliation. Aucun des responsables islamistes que le président avait pu convaincre de rentrer, n'avaient regagné Alger au 28 août, date de la fin de la période de grâce donnée par les autorités aux islamistes pour assainir leurs cas litigieux, et cela avait donné lieu à des commentaires acérés et des analyses alarmistes sur l'échec consommé de la Charte. Leur retour, on le sait, a donné de la crédibilité et de la consistance à l'offre de paix du président Bouteflika. Larbi Noui, venu «en éclaireur», a été le premier des chefs islamistes à rentrer en Algérie, il y a quelques semaines, mais l'absence d'une figure emblématique de la mouvance islamiste pesait sur cette offre de paix en clair-obscur. L'arrivée du trio Kebir-Ghemati-Ould Adda a comblé ce déficit. L'étape actuelle reste soumise à plusieurs paramètres politiques. Les enjeux qui en découlent et les équilibres à prendre en ligne de compte ne sont pas faciles à gérer. Mais le président a démontré qu'il était passé maître dans la gestion des paradoxes dont il a hérité...