En ces sept premiers mois de l'année 2006, plus de 11.000 clandestins ont débarqué sur les côtes siciliennes. Une traite qui rapporte, chaque année, pas moins de 300 millions de dollars. Parler de l'immigration, n'est pas chose aisée, il y a comme une sorte d'angoisse et de peur dans ce thème pas singulier, de la vie de ces centaines de milliers et milliers d'hommes, de femmes et d'enfants, qui s'embarquent dans le noir le plus profond. Dans un puits sans fond, dans un tourbillon qui n'arrête pas de vous engloutir, avec, comme seule arme, le courage de la peur qui vous tord les tripes, qui vous noue la gorge, où les mots n'existent pas, où seul le silence est permis. Le silence de l'espoir, l'espoir d'arriver à la berge de cette terre promise, racontée par d'autres, par ceux qui sont retournés et ceux qui y sont restés. Raconter l'immigration, ce n'est pas la lire entre les lignes d'un fait divers ou dans une chronique d'un journal local. Il faut la vivre, la sentir, la découvrir. Selon les chiffres des Nations unies, le nombre actuel des migrants en règle et des sans-papers, sans titre de séjour, tout ce peuple migratoire confondu venu des pays pauvres, des pays difficiles à vivre, des pays sans voix, ni loi, est de 200 millions, soit le double d'il y a 25 années. De ces statistiques de l'ONU, une trentaine de millions sur ces 200 millions d'émigrés sont des illégaux, donc des clandestins, dont 7 millions sont éparpillés à travers l' Europe. Le chiffre est lourd, sans concession dans ce contexte de mondialisation généralisée, où cette expansion de l'immigration devrait se poursuivre crescendo. Les faux missiles libyens Lampedusa (Ampidusa, en langue sicilienne) est une île qui a découvert sa vocation touristique -par un brin de chance d'un événement fortuit et imprévu- que depuis une vingtaine d'années. En effet, depuis 1986, l'économie de cette île change en un tour de bras, radicalement, du jour au lendemain. Les pêcheurs d'hier deviennent des opérateurs touristiques, et c'est la floraison des hôtels, restaurants, magasins et autres structures pour la nouvelle ère touristique de cette île, qui était inconnue, voisine de l'Afrique que de l'Italie. Le tourisme devient la principale source de l'île, qui est sortie de sa léthargie, un certain 15 avril de 1986, quand les Libyens ont lancé deux missiles de fabrication soviétique sur la base américaine de Capo Ponente. L'épisode des missiles est un cas énigmatique. De très nombreuses théories ont été avancées sur ce jour, la plus véridique de toutes les explications supposées, étant qu'aucun missile ne fut lancé. Sauf qu'à cette époque, l'administration américaine, préoccupée par le rapprochement politico-économique entre l'Italie et la Libye, a inventé cet expédient pour refroidir les relations entre les deux nations, en faisant survoler sur la zone deux avions de type chasseur à une vitesse supersonique, provoquant deux bangs. Ensuite le jeu était fait, des voix ont propagé la rumeur que deux Scud libyens auraient détruit la base américaine de Lampedusa. Un coup de pub gratuite ayant transformé l'île en véritable pôle touristique. Découverte peu a peu par les touristes de la Péninsule, Lampedusa était une zone inconnue par les millions d'Italiens. Ses habitants peu nombreux y vivaient spécialement de pêche et un peu de l'agriculture. Comptant à peu près 5000 habitants, en hiver, elle se multiplie par quatre et quelquefois plus par le nombre de touristes, entre le mois de mai et la fin septembre. Située sur la côte méridionale de la Sicile, sa superficie est de 20,2km², sur un périmètre de 26km de long. Géologiquement, Lampedusa appartient à l'Afrique, elle est plus proche des côtes tunisiennes (113km) que de la Sicile (205km), de Malte (220km), que de Tripoli (355km). Lampedusa était le lieu de stationnement des Phéniciens, des Grecs, des Romains et aussi des Arabes qui ont laissé des traces évidentes de leur passage. Aujourd'hui, les arrivées, sans cesse, de barques et autres embarcations -chaloupes, canots pneumatiques- de tous les damnés de la terre, surnommés les clandestins, ont mis plus qu'en relief cette partie du sud de l'Italie: la Sicile, Syracuse et Lampedusa. Ces côtes de la Méditerranée, qui ne désemplissent pas de ces débarquements clandestins et où les rives charrient de plus en plus des corps sans vie, noyés où jetés par-dessus bord, par des contrebandiers sans foi ni loi qui commercent la vie humaine. Seulement, sur les côtes italiennes, entre 2004 et 2005, l'immigration clandestine a doublé, passant de 13.000 à 23.000. En ces sept premiers mois de l'année 2006, plus de 11.000 clandestins ont débarqué sur les côtes siciliennes. La traite de ces damnés-clandestins rapporte pas moins de 300 millions de dollars l'année, d'après un rapport de l'ONU, à ces bandes organisées de la maffia internationale. Ces barques et gommones, viennent de tous les ports près de la Libye, de Malte, de la Tunisie, de la Turquie, de Chypre et d'autres lieux. Chaque jour, on ne cesse de découvrir le corps d'un ou de deux malheureux disparus, durant la traversée. L'alarme est au plus haut point chez les responsables politiques des pays du Sud européen, dont huit chefs d'Etat et de gouvernement (Italie-Espagne-France-Portugal-Grèce-Chypre-Malte-Slovanie) ont adressé une lettre commune au président en exercice de l'Union européenne, le Finlandais Matti Vanhanen, réclamant une forte mobilisation de l'UE, afin de faire face à l'afflux de l'immigration illégale en Méditerranée et au sud de l'Europe et un engagement conjoint de la part des pays d'origine, de transit et de destination des migrants. Ils demandent, aussi, que cette question soit à l'ordre du jour du sommet européen informel de Lahti, en Finlande, du 20 octobre. Khaled à Lampedusa La musique ne possède pas et ne peut donner la réponse. Mais elle est comme la mer, elle ne sépare pas, elle unit. Ces paroles sont de Claudio Baglioni, l'initiateur du Festival de Lampedusa, qui en est à sa quatrième année. Ce festival ‘O Scia', qui veut dire «mon souffle, ma respiration» a débuté jeudi 28 septembre, pour se terminer samedi dernier, sur la plage de la Guitgia de Lampedusa, a pour invité d'honneur le «King» Cheb Khaled, au milieu des grands noms du monde de la chanson et du spectacle que compte l'Italie: Massimo Ranieri, Riccardo Cocciante, Amedeo Minghi, Loredana Bertè, Giorgio Panariello, Nada, Raf, etc. Au total, ils sont une trentaine à se partager les trois soirées. «J'ai créé ‘O Scia' à Lampedusa, parce que c'est l'un des lieux les plus touchés par l'immigration, un lieu qui manque d'infrastructures et, en plus, négligé par l'Etat (...) aussi pour sensibiliser les gens et leur apprendre à ne pas fermer les yeux sur le problème des clandestins». Claudio Baglioni est l'un des interprètes-compositeurs, le plus en vue dans le monde artistique italien. De renommée internationale, il est titulaire d'une licence en architecture, toujours au premier rang dans les oeuvres sociales et humanitaires. Nous reviendrons sur cette figure charismatique de l'artiste en Italie.