Les hôteliers de l'île sicilienne de Lampedusa n'ont rien trouvé de mieux pour lutter contre l'immigration clandestine, qui à leur dire, fait fuir les touristes, que de faire à leurs clients cette alléchante proposition : le remboursement intégral de leurs frais de séjour s'ils dénoncent la présence d'un seul clandestin sur les plages de l'île. Un appel à la délation en bonne et due forme, dans un pays où le chef du gouvernement avait proposé, il y a quelques années, un allégement fiscal aux contribuables qui dénonceraient leurs concitoyens qui flouaient le fisc. Mais cette fois, c'est toute la légendaire hospitalité des Siciliens, héritée de nos ancêtres arabes, qui en prend une pizza en pleine figure, car sans vouloir verser dans la moralisation hypocrite, qu'y a-t-il de plus mesquin que de livrer à la police son prochain qui demande de l'aide ? Plusieurs associations d'aide aux immigrés clandestins ont déjà exprimé leur indignation face à cette curieuse initiative et ont appelé les patrons du tourisme de Lampedusa à plus de sentiments chrétiens. « Niente ! », ont rétorqué ces derniers. « Depuis l'apparition de ce fléau, qui chaque année déverse des milliers de clandestins sur nos plages, les touristes allemands et américains boudent notre région. » Il est vrai que plus de 1000 immigrés clandestins ont débarqué, en quelques jours seulement, sur les côtes siciliennes. Pourtant, les 28 Africains qui étaient partis du port libyen de Zouara n'ont pas eu cette chance, puisqu'ils sont morts de faim, de froid et de fatigue, avant d'arriver en Italie. Leur 72 compagnons de galère, dont un couple libérien qui a dû jeter son pauvre enfant mort par-dessus bord, n'ont dû leur survie qu'aux secours que leur a prêté un navire allemand qui passait par le canal de Sicile. A leur arrivée, samedi dernier sur l'île de Lampedusa, déshydratés et exténués, ils ont rappelé brutalement aux Italiens et aux touristes qui coulent des jours paisibles sur les côtes siciliennes, que de l'autre côté de la Méditerranée, des âmes en peine sont prêtes à tout, y compris à risquer leur vie pour caresser l'espoir d'une vie meilleure. Ces damnés de la mer ont raconté avoir payé à leurs convoyeurs la somme de 650 dollars, que certains ont recueillie en vendant tous leurs biens ou en s'endettant. Mais la fermeté du ministère de l'Intérieur italien n'a pas fléchi devant cet énième drame de la traite humaine, et les survivants de cette véritable traversée de l'enfer seront expulsés, dans leur majorité, car l'Italie a déjà signé 26 conventions de rapatriement avec les pays d'où proviennent ces immigrés clandestins. Le gouvernement italien, dépassé par l'ampleur de ce phénomène, a interpellé l'Union européenne pour exiger assistance dans sa lutte contre l'immigration clandestine, fort de l'argument qui veut que 70% des clandestins qui parviennent à la péninsule ne font que passer par ce pays pour aller vers d'autres destinations de l'Europe occidentale. En attendant, la polémique estivale bat son plein entre majorité et opposition qui se renvoient la patate chaude de l'immigration. Les députés du parti xénophobe de la Ligue du Nord, au gouvernement, ont même proposé d'introduire une nouvelle loi de répression contre l'arrivée clandestine en Italie, en en faisant un délit passible de peines de prison, y compris pour les clandestins eux-mêmes. Certains de ces hommes politiques ont même affirmé que « parmi ces immigrés se cacheraient de potentiels terroristes », ce qui a fait réagir l'Eglise catholique qui a appelé à distinguer la misère humaine du terrorisme et à prêter secours à ceux qui sont dans la détresse.