N'eut été l'intervention du député du RCD, Mohamed Khendeq, la conférence sur la démocratie et les droits de l'Homme, organisée lundi soir au siège du Sénat, aurait fini comme elle a commencé : une succession d'interventions centrées sur la définition des deux concepts et leurs attributs et, accessoirement, leur faisabilité sur des sociétés dont les valeurs culturelles tranchent avec les traditions occidentales. Boudjemaâ Souilah, président de la commission des affaires étrangères, Me Farouk Ksentini, président de la Commission nationale consultative de la protection et de la promotion des droits de l'Homme (CNCPPDH), principaux animateurs de la conférence, modérée par Mme Zohra Drif, n'ont pas jugé utile de s'appesantir sur l'expérience algérienne, raison sans doute de la présence appréciable des convives, axant leurs interventions essentiellement sur les aspects philosophiques des deux concepts. Face à un parterre composé pour l'essentiel du ministre chargé des Relations avec le Parlement, de Me Rezzag Bara, conseiller du président de la République, ancien président de l'Observatoire des droits de l'Homme, de nombreux députés représentant tous les courants politiques, des avocats et des journalistes, le Dr Souilah s'est attardé sur le concept de la démocratie en tant que valeur et dans son acception morale et politique. “La démocratie est une valeur morale, politique et universelle, elle n'a pas de régime ni de région”. Après un bref aperçu de son évolution le siècle dernier, il demande aux forces sociales de prendre en charge la question de la femme et ses droits, de s'intéresser aux raisons qui poussent les électeurs à bouder les élections, de se pencher sur la question de savoir s'il faut appliquer la charia ou des lois “importées” au sujet de certains délits, de promouvoir la paix et la réconciliation et enfin de consacrer l'amnistie générale. Petite digression cependant : il a loué les avancées dans la Constitution et les efforts de l'Etat pour promouvoir la question des droits de l'Homme. De son côté, Me Ksentini a estimé que la relation entre la démocratie et les droits de l'Homme “est d'ordre doctrinal et philosophique”. “Elle est complexe, la démocratie, c'est un idéal à promouvoir et un modèle de gouvernance perfectible”, dit-il. De quoi susciter l'indignation du député du RCD. “J'aurais aimé qu'on parle de l'état de la démocratie en Algérie. Vous ne pouvez pas parler de démocratie quand il n'y a pas d'alternance au pouvoir (il évoque la dernière révision de la Constitution qui saute le verrou de la limitation des mandats) ; vous ne pouvez pas parler de démocratie quand le choix populaire n'est pas respecté et lorsque c'est l'administration qui construit les élections”, observe-t-il. Une intervention qui suscite, très vite, une levée de boucliers. “L'Algérie avance à son rythme”, réplique Mme Zohra Drif, épouse du défunt Rabah Bitat. “L'Algérie est un pays démocratique émergent. La démocratie en elle-même ne m'obnubile pas, ce sont les valeurs qu'elle véhicule qui m'intéresse. Je rappelle que c'est grâce à la démocratie que Hitler et George Bush ont été intronisés. Nous sommes dans la bonne direction”, plaide, pour sa part, Me Ksentini. Et d'ajouter : “L'Etat est le principal protecteur des droits de l'Homme. Pour les défendre, il faut fortifier l'Etat.” Quant à l'accusation sur le parti pris de l'administration durant les élections, il estime que les choses sont complexes. “Pour moi, c'est l'administration du citoyen qui compte. Il faut un respect mutuel entre le citoyen et l'administration. Mais malheureusement, ce n'est pas le cas et ça n'aide pas à la construction de la démocratie”, admet-il. De son côté, Seddik Chihab, vice-président de l'APN et figure de proue du RND, estime que “la démocratie avance tant bien que mal, même s'il est vrai qu'elle a besoin d'être promue”. Quant à M. Souilah, il évoque l'état d'urgence qu'il considère comme “une protection des droits de l'Homme”, rien que ça. Il faut dire que cette conférence a constitué une tribune pour les partis pour réitérer chacun ses positions. C'est ainsi que Ramdane Taâzibt, député du PT, a relevé qu'il y a “quelques acquis”. Selon lui, les partis doivent travailler pour promouvoir la démocratie. Il n'omet pas toutefois de revendiquer l'élection d'une assemblée constituante. Quant au MSP, par la voix d'un de ses députés, il a estimé nécessaire la définition de la démocratie, non sans observer que l'Algérie est un pays musulman, histoire de signifier que le concept est d'essence occidentale.