Cerné au départ dans la seule Kabylie, le phénomène s'est étendu à d'autres régions. «Kidnapping du fils d'un milliardaire à El Oued; les ravisseurs demandent une rançon», a titré, hier, le quotidien Ech Chourouk. Les auteurs de l'enlèvement demandent 4 milliards de centimes. Agé de 40 ans, père de 3 enfants, la victime est enseignant d'éducation physique dans un collège à El Oued. Il est surpris vendredi alors qu'il visitait une exploitation agricole familiale à bord d'une Toyota. Il a été enlevé avec son gardien et conduit vers une destination inconnue. Il s'agit d'un énième kidnapping. Les services de gendarmerie enregistrent 49 cas d'enlèvement de mineurs depuis le début de l'année, contre 75 cas l'année dernière. Les villes les plus touchées sont Tizi Ouzou, Boumerdès, Tébessa, Jijel puis Alger. On se souvient du cas de l'enfant de 8 ans, enlevé le mois dernier à Kouba et qui a été retrouvé mort, le lendemain, devant le domicile de ses parents ou le cas spectaculaire du fils de l'industriel Haddad à Béjaïa, dont la famille a payé une forte rançon, sans divulguer le montant. Intervenant à la Radio, Boudjerra Soltani (président du MSP) avait indiqué: «Le kidnapping est payant. Il suffit de prendre quelqu'un, de demander une rançon, de faire un peu de prison et d'en sortir milliardaire. L'expérience peut tenter n'importe quel délinquant». La phrase résume le phénomène. Mais elle soulève aussi des interrogations. Il y a eu également des cas de simulation d'enlèvements pour extorquer de l'argent. On se souvient du cas A.K., algéro-tunisien, qui a tenté de transformer sa fugue en rapt, grâce au concours de ses camarades et qui a, heureusement, échoué. Le phénomène a trouvé un terrain propice en Algérie. L'insécurité qui a assez duré, a fait le lit au grand banditisme. En privilégiant la lutte antiterroriste, les services de sécurité ont laissé le champ libre au développement de la délinquance, du banditisme et du crime organisé. Un procès récent -passé inaperçu comme un fait divers- a dévoilé la nature des faux barrages qui sont dressés en Kabylie par des bandits de grand chemin qui se font passer pour des terroristes, comme si le terrorisme leur donnait certains avantages sur les autres criminels. On s'installe désormais dans l'après-terrorisme, pour se retrouver avec un phénomène nouveau dans les bras: le kidnapping. Les armes de lutte contre ce phénomène sont inexistantes. Les parents de la victime paient, dans la plupart des cas, la rançon sans avertir la police par crainte des représailles des ravisseurs. Que peuvent-ils faire quand on leur fixe et le montant de la rançon et l'ultimatum? Le phénomène doit être traité à la source. Il nécessite la rigueur et l'action citoyenne. Les cas similaires qui ont lieu en Occident ont souvent permis l'arrestation des auteurs grâce aux indices fournis par les citoyens. Il se trouve que la citoyenneté est l'unique rempart. On se souvient du premier cas de kidnapping qui avait défrayé la chronique dans les années 70 et de l'émotion qu'il avait suscitée alors chez les citoyens. Aujourd'hui, le phénomène semble se banaliser. Les parents des victimes supportent seuls leur douleur. La société ne compatit plus parce que la crise récente nous a apporté des palliatifs comme l'indifférence et le cynisme.