Qui se souvient des cours spéciales? En fin 1993, le HCE, dirigé alors par Ali Kafi, avait promulgué une loi antiterroriste, pour contrer les actions subversives. Cette loi a permis la création de cours spéciales qui ont jugé les auteurs d'actes terroristes. On se souvient du malaise des avocats qui ne pouvaient plus se constituer pour défendre leurs clients devant des magistrats cagoulés. Parmi les cas traités par les cours spéciales, près de 3000 personnes ont été maintenues en détention préventive avec des dossiers vides, pendant plus de trois ans. Leur seul tort est d'avoir milité avec l'ex-FIS quand il occupait les rues. Beaucoup parmi eux ont fait les camps du Sud puis sont passés devant les cours spéciales pour se retrouver condamnés à la préventive, avec des dossiers quasiment vides. Aujourd'hui, selon El-Khabar qui a approché leurs représentants, ces victimes demandent leur réhabilitation et des indemnisations pour avoir subi des préjudices moraux et physiques sans avoir à aucun moment enfreint les lois de la République. Elles estiment que la Charte pour la paix et la réconciliation nationale peut leur donner ce droit. Ils tentent de s'organiser pour faire entendre leurs voix. L'ancien directeur administratif d'El-Mounquid, organe de l'ex-FIS, Djilali Ous, -qui a bénéficié de la relaxe avec 17 autres, dont l'ancien membre du bureau exécutif de l'ex-FIS Othmane Aïssani- a indiqué que la Cour suprême a refusé de leur accorder des indemnisations parce que cette affaire est antérieure à 2001, année de promulgation du code de procédure pénale, qui ouvre droit aux réparations judiciaires. Les personnes qui ont bénéficié de la relaxe en raison des erreurs judiciaires et qui sont définitivement innocentées ne peuvent être indemnisées parce que la loi ne peut avoir un effet rétroactif. Elles sont par conséquent contraintes d'aller chercher ailleurs des recours. Les textes des ordonnances portant application de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale donnent la latitude au président de la République pour prendre les mesures qu'il juge nécessaires. Il peut, en conséquence, les intégrer dans sa prochaine démarche. Ainsi, au dossier en attente des camps du Sud auquel le président vient de désigner deux conseillers pour son traitement, vient s'ajouter le dossier des «cours spéciales». Les victimes de la politique de prévention sécuritaire estiment qu'elles ont été lésées dans leurs droits de citoyenneté en recourant à l'arbitrage du premier magistrat du pays.