Il évalue à 600.000 le nombre de l'ensemble des moudjahidine recensés depuis 1962. Mohamed-Chérif Abbas, ministre des Moudjahidine, estime le chiffre des faussaires qui ont été débusqués depuis 1965, date du début de la campagne d'assainissement, entre 8000 et 10.000 personnes. Intervenant à l'émission Fi-el-oudjiha de la Radio Chaîne I, il a indiqué que l'ensemble des moudjahidine recensés depuis 1962 sont de l'ordre de 600.000 personnes, y compris celles qui sont mortes. Il y a également 9000 dossiers à l'étude dont 4500 sont vides et ne contiennent pas de pièces justificatives de leur passé. «Certains envoient des courriers par poste mais une fois rejeté parce que ne contenant que des feuilles volantes sans consistance légale, ils nous les renvoient de nouveau», explique-t-il. Il révèle qu'il a envoyé un rapport de 57 pages au président de la République sur le dossier des faussaires. Comme il rappelle que l'étude des dossiers des affiliations est à l'arrêt depuis novembre 2003. Il n'arrive pas à concevoir que quelqu'un dorme pendant 40 ans pour redécouvrir qu'il a des qualités de moudjahid et vienne revendiquer ses droits. Il y a des exceptions, comme les cas de certains qui se sont installés à l'étranger et qui reviennent pour enfin constituer un dossier, mais ces cas ne sont pas nombreux. Il va de soi que si l'enquête confirme un cas de faussaire, il perd tous les droits et on l'obligera à rembourser tout ce qu'il avait perçu depuis l'obtention de l'attestation. S'agissant des ayants droit, le ministre précise que les enfants de chouhada n'ont pas de licences de taxi ou de bureaux de tabacs; ce privilège est accordé aux seuls moudjahidine et veuves de chouhada. Il rappelle que dans tous les pays, les anciens combattants ont ces mêmes privilèges. Il considère qu'il s'agit d'un droit que l'Etat doit lui préserver. Abbès s'est longuement exprimé sur l'affaire des archives. Il les classe en deux catégories. Il y a les archives qui sont la propriété de l'Algérie et qu'elle revendique sans aucune concession. Elles datent d'avant 1830. Il y a celles qu'on partage avec les Français. L'Algérie demande à ce que des copies lui soient restituées pour les exploiter. Toutefois, il indique que des archives importantes sont disponibles. Il y a également les archives éparses que chaque moudjahid conserve. Le ministère semble accorder une priorité à l'écriture de l'histoire; la tâche débute par les livres scolaires qui ne relèvent pas de ses compétences. Mais le ministre des Moudjahidine trouve que le contenu n'est pas satisfaisant et souhaite leur amélioration pour permettre aux futures générations de restituer leur histoire. Par ailleurs, «lorsque l'Assemblée française adopte une loi glorifiant le colonialisme, la tutelle ne peut que dénoncer pareille initiative parce que l'histoire ne se décrète pas», souligne-t-il. Les documents filmés sont utiles à la restitution de la mémoire. Abbas révèle que le scénario du film sur l'Emir Abd-el-Kader est fin prêt mais il exige une qualité de production du niveau du film réalisé sur Omar Mokhtar. Il y a également un scénario en préparation sur Mustapha Benboulaïd. Sur le plan politique, le président Bouteflika avait annoncé la fin de la «légitimité historique». Qu'en pense-t-il? Abbas salue cette décision qui ouvre la voie aux compétences, rappelant qu'il y a seulement dix ans, tous les ministres du gouvernement étaient des moudjahidine. «La fin de la légitimité historique signifie le retour à la loi fondamentale qui est la Constitution; c'est une bonne chose», estime-t-il. 52 ans après le déclenchement de la Révolution de Novembre, les langues se délient. Beaucoup de moudjahidine ont sorti leurs plumes pour apporter leurs témoignages. Les vérités sortent par bribes. Le travail de mémoire est au tout début de son commencement.