La désolation et la dévastation qui marquaient, hier, le centre de Réghaïa renvoyaient aux plus terribles images de 1994 -95. La déflagration était telle que tout, pratiquement tout, était détruit sur un rayon de 100 mètres. Plusieurs explosions ont eu lieu, hier, en même temps, à Réghaïa, mais aussi à Dergana, et, heureusement l'engin désamorcé à Bordj Menaïel, ce qui a renseigné clairement sur la nature réfléchie et planifiée du plan du groupe salafiste. Décapité en juin 2004, avec la mort de Nabil Sahraoui, le chef, Abi Abdelaziz, le responsable «militaire», et de cinq autres hauts responsables lors de l'embuscade militaire d'El Kseur, le Gspc, sous le règne de «Abdelouadoud» adopte une nouvelle stratégie: les attentats à l'explosif à distance. Cette stratégie permet d'opérer des attaques à moindres frais et de procéder à des actions meurtrières à moindre coût, épargnant plus de pertes au groupe. La première opération lancée par le nouvel émir, fraîchement élu, en juin 2004, renseignait sur l'état d'esprit de «Abdelouadoud»: en ciblant la centrale électrique d'El Hamma il plongea Alger dans le noir pendant plusieurs heures et délivra aux forces de l'ordre deux messages. L'un est que l'attentat à l'explosif ciblant les services de sécurité et les édifices publics et étatiques sera privilégié. L'autre est que la capitale, dont la résonance médiatique, politique et sécuritaire reste un enjeu majeur, ne sera pas à l'abri de la stratégie du Gspc. Ancien étudiant en fin de cycle en électronique, à l'université de Soumaâ, Abdelmalek Droukdel, mieux connu sous son nom de guerre «Abou Mossaâb Abdelouadoud», est un homme porté sur l'explosif et l'armement. A trente-deux ans, il traîne derrière lui cette réputation incontestée de «explosion-man». Avant de remplacer Nabil Sahraoui à la tête du Gspc, il était le responsable du groupe chargé de l'armement et de la logistique «militaire». La bombe qui avait explosé à Beaulieu pendant le mois de Ramadhan avait déjà mis en état d'alerte les services de sécurité. En ciblant une caserne militaire dans la capitale même, les messages qui ont été décryptés par les responsables de la sécurité intérieure les ont poussés à donner des directives claires aux polices locales: plus de vigilance, renforcement des effectifs et investigations dans les zones d'influence des groupes armés. Nous avons assisté à un renforcement très manifeste du dispositif sécuritaire dans et autour de la capitale, et qui n'était pas uniquement lié à la sécurisation des biens et des personnes pendant le mois sacré de Ramadhan. Selon un haut responsable de la Dgsn, «le fait qu'il y ait des actions autour de la capitale, nous pousse à prévoir, à envisager que le maillage sécuritaire sera tôt ou tard transpercé, et donc, à agir en conséquence». Le même responsable, à qui nous avons posé la question concernant l'introduction d'une cellule opérationnelle du Gspc dans la capitale, précise que «du moment où des actions sont menées autour d'Alger, la police et le renseignement agissent comme si ces cellules sont déjà dans Alger et tentent de se projeter dans le temps et anticiper sur les actions». Le problème principal qui perturbe les forces de sécurité est que le groupe salafiste, contrairement au GIA, procède dans les villes avec des éléments non fichés, non répertoriés, donc inconnus des services de sécurité. Ce qui rend toute anticipation des forces de sécurité sur des actions terroristes, aléatoire.