Henry Alleg présentera, cet après-midi, au Salon international du livre, dans le cadre d'un café littéraire Mémoire algérienne, à partir de 17h. La question un livre choc qui fait date depuis sa sortie. Le 12 février 1958, les éditions de Minuit mettent en vente, en effet, ce livre de quelques dizaines de pages. Terrible récit de la torture subie par Henri Alleg, alors directeur d'Alger républicain, le journal du Parti communiste algérien. Ce témoignage dramatique est un immense succès de librairie: 65.000 exemplaires vendus au jour de sa saisie, le 27 mars suivant. Quarante ans plus tard, Henri Alleg confiait à L'Express: «Je savais que si j'étais arrêté, je serais torturé, j'y étais préparé.» Aujourd'hui encore, ce livre n'a de cesse d'être édité et réédité pour que nul n'oublie les affres de ces tortionnaires colonisateurs. Publié dans la collection Voix de l'Anticolonialisme dans une nouvelle édition signée Anep, ce livre est préfacé, à juste titre, par cette moudjahida, Louisa Ighilahriz, qui en connaît un bout justement sur la question, pour avoir été torturée, malmenée pendant la guerre de Libération...Torture est, d'emblée, traduite par «tout ordre récurrent tendant à usurper rêve et élévation». «Ainsi se compose, dit-elle, l'anagramme de ma douleur.» Louisa Ighilahriz relève ce lourd silence et la souffrance du torturé, forcé à répondre à la «question, car seule, mérite d'être entendue». En témoigner est donc pour elle un devoir envers ceux qui sont morts sous la torture et pour ceux qui sont encore vivants, mais ne peuvent en parler de peur d'aggraver leurs souffrances. «Ceci est mon combat, ceci est ton combat, Alleg, ceci est le combat des hommes assoiffés de dignité, de liberté, de justice et non de pouvoir, de ceux qu'on nomme les militants de la cause noble.» La Question est, en effet, la descente aux enfers de cet homme, qui va dévoiler au monde la face hideuse du colonialisme et son corollaire, la torture à coups de bâton et de gégène, torture électrique, la tête au fond de l'eau...Dans ce livre, nous pouvons lire: Une magnéto que celui-ci tendait, il l'éleva à la hauteur de mes yeux et me dit, retournant l'appareil, déjà cent fois décrit par les suppliciés: «Tu connais ça, n'est-ce pas? Tu as souvent entendu parler? Tu as même écrit des articles la-dessus?» «Vous avez tort d'employer de telles méthodes. Vous verrez. Si vous avez de quoi m'inculper, transférez-moi à la justice: vous n'avez pas à me tutoyer. Eclats de rire autour de moi...» Alleg évoque également le supplice de son ami Maurice Audin, qui est aussi celui de tous ces autres, passés sous le crible des «fauves». Des scènes atroces sont décrites. Sous forme d'un journal de bord, La question met à nu des actes inhumains, humiliants. Détenu à la prison de Rennes où il s'évada en 1961 avec l'aide du Parti communiste français, Henri Alleg reprit sa place à Alger républicain après les accords d'Evian, en mars 1962, et jusqu'à 1965, quand le journal fut interdit suite au putsch qui vit Boumediene chasser Ben Bella du pouvoir. Il collabora ensuite à la direction de L'Humanité. Quarante-deux ans après sa parution, 450 exemplaires de La Question sont vendus, chaque année, en France: plus d'un par jour...Certes, aujourd'hui, les langues se délient, mais il reste un long chemin à faire pour dépoussiérer ces archives, pas encore accessibles aux chercheurs, lesquelles détentrices de la vérité, pourront nous éclairer davantage sur la vérité historique de cette guerre de Libération algérienne. C'est dans cette optique que Henry Alleg présentera, cet après-midi, au Salon international du livre, dans le cadre d'un café littéraire Mémoire algérienne, à partir de 17h.