«Immergée par sa nature dans la géopolitique internationale, l'entreprise Sonatrach était, à sa naissance même, inscrite à l'interconnexion du politique et de l'économique.» Voilà de Abdelatif Rebah, économiste de formation, une juste réflexion qui mérite d'être examinée car, ayant puisé directement dans des sources riches (archives, documents divers, témoignages...) et les ayant agrémentées judicieusement de quelques anecdotes, autant plaisantes qu'instructives formées au cours d'une aventure humaine digne de légende, à l'orée même de l'indépendance retrouvée, cette réflexion est aussi toute orientée vers «Deux lettres en noir sur fond orange. Un H à l'horizontale, surmonté d'un S à la verticale, cela donne SH qui évoque la forme d'un robinet pétrolier»; et c'est là le logo SH créé, en amitié pour la Société nationale de transport et de commercialisation des hydrocarbures, par le prodigieux caricaturiste Siné, ancien sympathisant du soutien logistique à la Fédération de France du FLN. Dans son ouvrage Sonatrach, une entreprise pas comme les autres, Abdelatif Rebah nous met, au vrai, entre les mains une minutieuse étude de cette vaste Maison industrieuse dont la trame constitutive sera de nature politique: elle a été construite pour être le symbole de l'Etat et elle est désignée Sonatrach par abrégé. Longtemps formé au ministère de l'Energie et fort de son expérience acquise dans le domaine de l'organisation et la gestion des entreprises de ce secteur pétrolier, Abdelatif Rebah nous fait connaître ceux qui ont bâti la Maison, particulièrement ses hommes, nés comme pour elle, venus comme pour elle, les seuls créateurs, les seuls acteurs vrais, authentiques, capables de la dire, au-delà d'un récit «entre l'image d'Epinal et le conte de fées». Incroyablement fantastique, l'histoire de la Sonatrach s'est pourtant forgée dans la réalité d'un pays renaissant et dans la passion d'un peuple qui, face aux défis d'un destin nouveau et enthousiasmant, se devait de se bouger, de se remuer les méninges et retrousser les manches! «C'est [donc] sur cette trame de fond, écrit Rebah, que va se tisser la trame industrielle. Par étapes.» Ces étapes, l'auteur nous les fait découvrir une à une, en chercheur indépendant, en enseignant de méthodologie qu'il est actuellement à l'Institut national de commerce (INC). Il fait pour nous «une incursion dans le passé de la Sonatrach», tout en «évoquant tous ceux qui ont fait, au quotidien, l'histoire de l'entreprise», ceux qui, à titres divers, responsables, travailleurs, syndicat, ont contribué à la hisser haut dans la hiérarchie des entreprises nationales, disons-le, au point d'être considérée comme la plus importante entre toutes et la manne chérie du pays. En des pages vibrantes de vérité chargée d'histoire, d'espoir et de doute, nous revenons sur les tout premiers pas de la Sonatrach. Que de longs chemins difficiles, tortueux, que le politicien, l'ingénieur, le militant, le travailleur va, chacun engagé vis-à-vis de soi et de son pays, donner le meilleur de lui-même, parfois jusqu'à la souffrance, mais toujours sans défaillir. C'est face à l'autre, le colonisateur-néocolonisateur qui n'est vraiment pas à la retraite, que la lutte de libération économique prend le relais de la lutte armée de libération nationale. Et face, il faut bien le dire, à l'autre soi-même, souvent terrible critique, mais rarement généreux ou solidaire. Le temps présent est maintenant juge, un juge populaire, sage et expérimenté. Aux questions que se pose le citoyen algérien de 2006, quelles réponses satisfaisantes pourrait donner l'état actuel de la Sonatrach? Quelles réponses fortes pour convaincre et impliquer d'autres entreprises nationales ou privées à s'engager résolument dans un partage égal, honorable, dans une oeuvre économique nationale grandiose? Aujourd'hui, à l'âge de quarante-trois ans, cette entreprise a droit à un nouveau statut lui permettant de réaliser les ambitions politiques, économiques et culturelles du pays et, par là, de prendre en charge les objectifs nouveaux qu'exige le développement national qui, d'ores et déjà, est confronté à la concurrence internationale au dehors et au-dedans de notre pays. Il y a, laisse à penser ce livre, sans aucun doute, beaucoup d'ordre à mettre dans la vie maintenant adulte de la Sonatrach...